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liv. 1er 
AGRICULTURE : ANIMAUX NUISIBLES.

On a cru qu’en mettant le blé dans des caves planchéfiées, pendant l’hiver, on le garantirait des calandres ; mais outre l’inconvénient de l’humidité capable de faire pourrir ou germer le blé, le repos et l’obscurité, à l’abri du grand froid, seraient au contraire favorables à la conservation des calandres. Le criblage est plus efficace ; il peut séparer les larves ; cependant les œufs sont trop bien collés aux grains pour qu’ils se détachent par cette opération. Les fumigations de tabac brûlé, les odeurs fortes, comme celles d’essence de térébenthine, les décodions d’herbes puantes, dont on a conseillé d’arroser le froment, etc., n’ont rien produit d’efficace ; enfoncées dans les tas de blé, les larves n’ont pas lâché prise, et même la vapeur acide et pénétrante du soufre brûlant n’a pu asphyxier ces insectes qui ont besoin de très-peu d’air pour respirer.

L’expérience a constaté qu’une chaleur subite de 39° Réaum. peut faire périr les calandres, mais on ne peut communiquer assez subitement cette température à de grandes masses de blé pour en suffoquer les calandres. Il a fallu jusqu’à 70° d’échauffement à l’étuve pour les faire périr ; mais à ce degré, qui tue larves, insectes, œufs, le germe du blé, trop desséché, peut perdre sa faculté germinative.

Le froid étant cause de l’engourdissement des calandres, on a proposé un ventilateur capable d’entretenir dans les greniers un air assez frais pour arrêter la multiplication des calandres ; ce moyen a été efficace en plusieurs circonstances.

D’autres économistes ont proposé, au retour du printemps, d’établir de petits tas de blé à portée des grandes masses. On remue fortement et souvent à la pelle ces masses ; les calandres aimant beaucoup la tranquillité, fuient cette agitation, elles courent se réfugier dans les petits tas laissés en repos ; ou si elles fuient vers les murailles et les fissures des planches, on les ramasse à l’aide de balais. Par ces moyens on en peut détruire une forte quantité. Quand on a réuni le plus possible de ces calandres dans les petits tas de blé, on échaudera ce blé à l’eau bouillante. Ainsi, l’on étouffera les calandres, et on criblera ce blé échaudé pour en séparer les insectes morts. Cette opération faite dès le printemps, a l’avantage de détruire les calandres avant qu’elles pondent ; car les œufs, une fois multipliés, ont mille chances pour de nouvelles reproductions.

Ces procédés peu dispendieux et peu difficiles méritent la préférence sur beaucoup d’autres que nous passons sous silence et dont l’utilité n’est pas aussi bien constatée.

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§ ii. — De l’Alucite des grains.

Deux larves de teignes sont principalement devenues des fléaux pour les blés recueillis dans les greniers, et elles ont causé parfois de tels ravages qu’elles ont excité le zèle du gouvernement pour chercher les moyens de les détruire. L’une est l’Alucite appelée aussi Pou volant ou Papillon des grains (OEcopaora granella, Latreille). Elle fut l’objet d’un ouvrage spécial de Duhamel. et Tillet, sur les blés de l’Angoumois, en 1762. puis de mémoires de beaucoup d’autres auteurs, et en dernier lieu d’un rapport fait en 1831 à la Société royale et centrale d’agriculture de Paris, par M. Huzard fils, après les nombreuses recherches de MM. de La Tremblays, le marquis de {{sc|Travanet, le docteur Guérin, de Marivault, etc.

Bien que l’alucite, à l’état parfait de papillon nocturne, ressemble à celui de la teigne des blés, dite fausse teigne, et soit de même grandeur, voici leurs différences les plus essentielles : L’alucite a des ailes d’une couleur café au lait plus pâle que celle de la fausse teigne (Yponomeuta tritici, Lat., Tinea de L.) et qui n’ont point de taches brunes transversales aussi marquées que chez la fausse teigne. L’alucite porte les ailes plus aplaties, en forme de chappe, ou moins bombées, tandis que la fausse teigne les rapproche autour de son corps en toit incliné. Entre les antennes de l’alucite s’élèvent deux petits palpes ou petites cornes, tandis que la fausse teigne n’a que de longues antennes filiformes. Les papillons de l’alucite ne restent point dans les greniers, mais se répandent dans les campagnes, surtout pendant les temps chauds, tandis que ceux des fausses teignes demeurent sous les toits et dans les maisons. L’alucite, à l’état de larve, se tient complètement renfermée dans le grain, même lorsqu’on agite et manipule les tas de blé ; elle se transforme en nymphe ou chrysalide dans ce grain même et y laisse sa dépouille, pour sortir uniquement à l’état de papillon. Elle ne lie pas ensemble les divers grains de blé à l’aide de soies, pour former des espèces de coques ; on ne découvre donc point, avant l’apparition des papillons, que les grains de blé sont attaqués par l’alucite, à moins d’essayer leur légèreté spécifique, et une chaleur assez vive qui se manifeste dans les monceaux de blé quelques jours avant le départ de ces papillons. Les excrémens de la chenille alucite restent même contenus sous l’enveloppe du grain, et en ferment l’ouverture par laquelle cette teigne s’était introduite dès son dégagement de l’œuf. Enfin les papillons alucites, se répandant, à la fin du printemps, dans les campagnes ou moissons de céréales, surtout pendant la soirée et la nuit, viennent déposer leurs œufs sur les épis de froment. On peut consulter les détails relatifs aux habitudes de cet insecte dans l’ouvrage de Duhamel et Tillet, et le tom. 2e  des Mémoires de Réaumur, p. 486.

La fausse-teigne est plus universellement répartie en France que l’alucite, qui désole particulièrement certaines contrées, en concurrence avec elle. Cette Yponomeula tritici, à l’état de jeune larve, appelée aussi ver des blés, d’abord jaunâtre, devient plus grise et noirâtre en grandissant ; elle arrive à 3 lignes, comme l’a fort bien décrite Parmentier dans son Mémoire sur les blés du Poitou, en 1785. Sa tête et la première articulation sont noirâtres, luisantes ; elle porte sur le dos 3 lignes blanches parallèles ; il y a 12 articulations, dont les 3 premières portent 6 pattes ; il y a 8 fausses pattes aux 6, 7, 8 et 9e articulations, puis 2 crochets à l’extrémité anale. Ces fausses teignes attaquent non seu-