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chap. 3e.
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AMENDEMENS STIMULANS : CENDRES.

après des plâtrages répétés, le produit du pré descendrait plus bas qu’auparavant.

On accroît, par le plâtrage, la qualité distinctive des légumineuses : les feuilles, qui sont leurs organes absorbans dans l’atmosphère, prennent plus de vigueur, sont doublées, triplées peut-être en surface, et par conséquent en puissance, tandis que les racines n’ont pris qu’un tiers d’accroissement, et par conséquent, pourrait-on dire, n’empruntent qu’un tiers de plus au sol. C’est ce vide néanmoins qu’il faut remplir dans les sols médiocres où il devient sensible.

Le plâtrage est donc une excellente méthode, mais dont il faut user avec réserve et circonspection ; par cette raison, dans des pays on a réduit les doses du plâtrage, dans d’autres on l’a divisé avec succès en deux saisons, moitié après la récolte de la céréale qui couvre le fourrage, et l’autre moitié au printemps suivant.

[3:3:2]

Art. ii.Des diverses sortes de cendres.

[3:3:2:1]

§ ier. — Des cendres de bois.

Ces cendres, qu’on néglige encore dans beaucoup de lieux, se vendent fort cher dans un grand nombre de localités, après qu’elles ont été lessivées, sous le nom de charrée.

Les effets des cendres sur la végétation et sur le sol sont très-remarquables ; elles ameublissent les sols argileux, et donnent de la consistance aux sols légers ; elles détruisent les mauvaises herbes ; elles conviennent plutôt aux sols humides qu’aux secs, mais il est nécessaire qu’ils soient bien égouttés ; la dose doit s’accroître avec l’humidité du sol.

Elles demandent à être répandues sèches par un temps non pluvieux et sur un sol non mouillé ; elles favorisent la végétation de toutes les récoltes, des récoltes d’hiver et de printemps, des céréales et des légumineuses.

Elles donnent une couleur vert-foncé aux végétaux qu’elles font croître ; elles favorisent plus encore la production du grain que celle de la paille : le grain produit ressemble à celui des fonds chaulés ; il est peut-être encore plus fin et à écorce plus mince, et comme tel il a plus de prix sur les marchés. On emploie les cendres avec grand avantage sur les prés et les pâturages, et leurs effets sont surtout remarquables sur le blé noir, la navette et le chanvre. Leur effet, à petite dose, est peu durable ; au bout de deux ans il est peu sensible, et cependant, dans les terres qu’on a cendrées à plusieurs reprises, dix ans après qu’on a cessé, l’amélioration s’aperçoit encore.

L’emploi des cendres est très-répandu sur le grand plateau de terrain argilo-siliceux qui appartient aux bassins du Rhône et de la Saône, et qui se prolonge depuis les portes de Lyon jusque dans les départ. de l’Ain, de Saône-et-Loire, du Jura et de la Haute-Saône.

Lyon, après avoir fourni des cendres lessivées à l’agriculture de ses environs, qui les emploie en grande abondance, les envoie par les rivières à une grande partie de leurs rives et des pays voisins, qui les paient de 1 fr. 50 c. à 3 fr. l’hectolitre. La dose ordinaire est moins forte que dans les environs de Lyon ; elle est cependant de 20 à 30 hectolitres par hectare. On les sème sur le sol avant le labour de semaille ; la terre et les cendres doivent être sèches, et on les laisse s’essorer 24 heures sur le sol si le temps est bien disposé ; on jette ensuite la semence, et on recouvre le tout d’un léger trait de charrue. On les emploie très-souvent aussi pour la semaille de blé noir sur jachère, au mois de juin ; elles en assurent le produit, ainsi que celui du froment ou du seigle qui succède. L’effet des cendres est peu sensible au bout de deux ans ; on les alterne alors avec du fumier, parce qu’elles sont encore plus profitables au sol si on ne les emploie que tous les quatre ans. Dans les environs de Lyon on les jette avec beaucoup d’avantage sur les prés sains, à la quantité de 50 hectolitres par hectare ; aussi leur effet se prolonge très-longtemps : leurs doses sur le sol labourable sont aussi assez fortes, et semblent plutôt en rapport avec leur prix peu élevé, qui, sur les lieux, est de 1 fr. à 1 fr. 50 c. l’hectolitre, qu’avec les besoins du sol.

Dans la Sarthe, elles sont très-chères et très-estimées ; on les emploie concurremment avec la chaux, à laquelle on les préfère beaucoup pour les terres légères ; leur dose est de 12 hectolitres par hectare, et leur effet est grand sur le blé noir et le froment qui lui succède.

Dans l’Indre, on les emploie, surtout pour la navette, à la quantité de 20 hectolitres par hectare ; avec ce seul engrais, on recueille 20 à 30 hectolitres de navette.

On emploie les cendres plus souvent seules et sans fumier ; cependant, dans les pays où l’on en connaît mieux le prix et l’usage, on est resté convaincu que, comme pour l’emploi de la marne et de la chaux, l’union du fumier avec les cendres double réciproquement leur action, et que ce mélange accroît beaucoup la fécondité naturelle du sol. Dans une commune des environs de Louhans (Saône-et-Loire), on emploie les cendres plus volontiers pour le froment ; ils joignent moitié de la dose ordinaire de fumier à 8 à 10 hectolitres de cendres par hectare, et cette demi-dose de l’une et de l’autre substance produit plus que leur dose entière séparée. Dans la commune de Saint-Etienne, près de Bourg, on joint aussi l’emploi du fumier à celui des cendres ; le fumier leur offre l’avantage de tenir un terrain froid et compacte un peu soulevé et plus accessible aux agens atmosphériques.

Dans les sols humides, la dose doit s’augmenter en raison de l’humidité du sol ; mais si les eaux y stagnent, leur effet est nul jusqu’à ce qu’on parvienne à l’égoutter complètement ; on conçoit alors que dans les années pluvieuses l’effet est peu sensible sur les sols humides.

Les cendres, comme nous l’avons dit, s‘emploient dans toutes les saisons, à l’exception de l’hiver : au printemps on les emploie de bonne heure sur les prés et pâturages, puis à la semaille des orges, des avoines, du maïs ; dans le cours de l’été elles fécondent les navettes et les blés noirs, et enfin, en automne, on les emploie pour la semaille des fromens et des seigles.

On enterre les cendres par un léger labour