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chap. 4e.
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CIRCONSTANCES FAVORABLES À L’ACTION DES ENGRAIS.

core le contact moindre et l’absorption plus difficile.

Ainsi, durant les sécheresses, on a souvent remarqué, et notamment l’an dernier (1833), que les engrais n’avaient produit aucun effet sensible ; mais que ceux dans lesquels un agent de désinfection avait suspendu la décomposition spontanée produisaient enfin des résultats très-avantageux sous l’influence d’une première pluie. Cette dernière circonstance s’est encore réalisée en 1833 : dans beaucoup de localités elle a produit une récolte inattendue, et amplement dédommagé d’une fumure que l’on croyait désormais inerte. Nous verrons que l’on peut artificiellement obtenir cette humidité si favorable, à l’aide d’arrosages, d’engrais verts, de marcs de fruits ou de substances hygrométriques qui peuvent être considérées comme de puissans auxiliaires des engrais.

Un excès d’humidité dans le sol, empêchant l’accès de l’air et des gaz, asphyxiant en quelque sorte les racines, ou rendant leur tissu trop lâche, trop lymphatique, est très-nuisible à l’action des engrais comme au développement ou à la force des plantes ; toutes les fois donc que l’eau est persistante à la superficie du sol ou à quelques centimètres de profondeur, on doit chercher à s’en débarrasser. L’un des moyens les plus économiques consiste à creuser des rigoles d’écoulement, les unes parallèles entre elles, les autres perpendiculaires aux premières, et d’autant plus rapprochées que la terre, moins poreuse, est moins facile à égoutter. On choisit les lignes des plus grandes pentes naturelles, afin d’avoir moins à creuser, et, lorsque la pente est assez rapide pour charrier les terres, ou creuse transversalement quelques fossés plus profonds dans lesquels on reprend chaque année l’espèce de terre d’alluvion entraînée, puis on la répand à la superficie du sol.

Si l’excès d’eau n’est pas susceptible d’être écoulé ainsi, parce que le terrain est généralement horizontal et près d’une nappe d’eau, on laboure en sillons très-profonds à des distances de 1 à 2 mètres, en sorte que le champ est divisé en ados, dont le sommet est suffisamment sec quand même le fond des sillons serait rempli d’eau, fig. 53 où ce champ est vu en coupe, et fig. 54 où on l’a montré en perspective.

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§ ii. — De la chaleur et de la porosité.

Une certaine température n’est pas moins indispensable à la décomposition des engrais qu’aux progrès de la végétation.

La porosité du sol, que nous avons donné les moyens de reconnaître et d’obtenir, offre aux gaz émanés des engrais un puissant et utile réservoir. Aussi trouve-t-on du profit à recouvrir de terre ou mélanger avec elle les engrais, mais surtout ceux qui sont trop rapidement altérables.

On rend facilement évidente cette propriété du sol : que l’on enferme dans un terrain meuble le cadavre d’un animal, qu’on le recouvre seulement de 8 à 10 pouces de terre, et à peine pourra-t-on sentir au dehors des traces de l’odeur de sa putréfaction, tandis que, laissé découvert ou même enfermé dans une caisse assemblée sans précaution, il eût répandu l’infection aux alentours. La terre au-dessus de lui sera d’ailleurs fertilisée pour plusieurs années sans que les racines viennent toucher l’animal en putréfaction.

La cohésion plus ou moins forte des engrais insolubles, la solubilité également variable de plusieurs autres, ont une grande influence sur la durée de leur décomposition, et de cette durée dépend surtout l’effet utile des engrais : voici à cet égard la donnée générale que nous avons déduite d’une foule d’essais, et qui s’accorde avec toutes les observations pratiques : Les engrais agissent d’autant plus utilement que leur décomposition est le mieux proportionnée aux développemens des plantes.

Nous verrons, en traitant de chacun des engrais en particulier, qu’il est toujours possible de les modifier de manière à se rapprocher de cette condition, soit en ralentissant la décomposition des engrais trop actifs, soit en l’accélérant pour les autres ; qu’il est généralement avantageux de le faire, et qu’enfin une foule d’anomalies apparentes dépendent des variations de la durée de leur altération spontanée, dont on n’avait pas assez tenu compte dans les précédentes recherches sur les engrais. Nous pouvons encore indiquer comme une des conditions les plus essentielles du succès de presque toutes les fumures, la présence dans le sol d’une base qui puisse saturer les acides ; c’est là un des effets constans et les plus utiles de la chaux, de la marne calcaire, des cendres de végétaux, etc.

Voyons comment cela se peut prouver : déjà nous avons démontré qu’un excès d’acide est généralement nuisible aux plantes cultivées ; or, l’un des produits de la germination est un acide excrété par les racines de plusieurs espèces de plantes, notamment des céréales, et rejeté dans le sol ; presque tous les débris végétaux, en se décomposant, donnent des solutions acides ; enfin plusieurs résidus de débris animaux ont une réaction acide, bien que les gaz qui s’en sont exhalés aient eu un caractère alcalin : on voit donc que l’acidité nuisible tend sans cesse à dominer. Il n’est pas moins évident que le carbonate de chaux des marnes et des cendres, les carbonates de soude et de potasse des cendres non épuisées, peuvent saturer des acides même faibles ; qu’en-