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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

argileux. Les rives du Ticin sont formées de couches d’un gros gravier silico-calcaire tout-à-fait stérile. Un propriétaire fît jeter une certaine quantité de ce gravier passé à la claie, pour exhausser un petit enfoncement qui se trouvait sur une rizière voisine. Le riz végéta à cette place d’une manière si vigoureuse qu’il contracta la rouille (brusone), comme cela arrive dans les rizières trop fertiles. Cette maladie continua pendant trois années consécutives, et rendit pour ainsi dire témoignage de la fécondité excessive du terrain. Au bout de ce temps, et pendant le cours d’une vingtaine d’années, la récolte du petit espace qui avait été recouvert de gravier, surpassa de beaucoup celle du restant de la rizière. Ce propriétaire en fit dès-lors porter sur toutes ses terres, mais à une dose beaucoup moindre que la première fois ; le succès fut tel que ses voisins se déterminèrent tous à en faire usage. Ceux qui possédaient des terres extrêmement tenaces s’en sont constamment bien trouvés. Ils répandent ce sable en automne, et en règlent la quantité sur la nature du terrain.»

Pour améliorer les terrains riches, mais qui manquent de consistance et sont exposés à l’humidité, Thaër dit qu’on emploie le sable avec le plus grand avantage. Lorsqu’on le charrie sur ces terrains, il s’y enfonce peu-à-peu et pénètre dans le terreau, dont il raffermit le tissu spongieux : il faut donc, autant que possible, le maintenir à la superficie. Il n’est jamais plus efficace que quand, au lieu de l’enterrer, on le répand sur le sol pendant qu’il est en herbages ; ce sable donne de la vigueur à la végétation des plantes, et en améliore la nature comme le ferait un fumier très-actif.

Les faits suivans, rapportés par M. Puvis, indiquent encore plusieurs cas dans lesquels le sable améliore beaucoup le sol.

« M. Saunier d’Anchald, dans le Puy-de-Dôme, a fécondé ses champs avec du sable mis en litière sous ses bestiaux, beaucoup plus qu’ils ne l’eussent pu être avec la même quantité d’engrais animaux que celle mélangée au sable. — Dans les domaines de Chavannes, situés sur le grand plateau du bassin de la Saône, dont le sol est argileux, des veines de sable, placées dans des chemins creux, sont exploitées toutes les fois que les loisirs des fermiers le permettent ; le sable est charrié directement, ou sur le sol pour y être épanché, ou dans les cours pour séjourner dans l’eau de fumier. Dans l’été, quand la paille manque, on met le sable en litière sous les bestiaux. Dans ces trois circonstances différentes, l’effet du sable sur le sol a été très-grand.»


CHAPITRE IV. — des engrais.

Définition : — On désigne sous le nom d’engrais les divers débris des animaux et des végétaux dont la décomposition peut fournir des produits liquides ou gazeux propres à la nutrition des plantes.

Ainsi, on doit se garder de confondre ces substances organiques ou résidus de l’organisation, susceptibles de se décomposer spontanément à l’air, jusqu’à se réduire en terreau de plus en plus consomme et moins actif, soit avec les amendemens terreux ou inorganiques qui ne se décomposent pas d’eux-mêmes par une simple fermentation, dont la fonction principale est d’améliorer le fonds ou les qualités physiques du sol, en le rendant ou plus léger ou plus compact ; soit avec les stimulans que forment différens sels, composés également non organisés, non décomposables spontanément, et dont les fonctions utiles paraissent être, en général, d’exciter les forces végétatives.

Ajoutons que certains sels insolubles ou solubles, compris dans les amendemens ou dans les stimulans, et qui remplissent les fonctions que nous venons de rappeler, peuvent être décomposés sous l’influence de certains agens, comme les acides ou sels acides qui seuls nuiraient, et alors laisser dégager un gaz, de l’acide carbonique par exemple, comme cela arrive pour le carbonate de chaux ; ils peuvent ainsi indirectement servir d’aliment ou d’engrais ; mais cette fonction, indirectement remplie, ne doit changer ni la distinction ci-dessus établie, ni la définition que nous donnons des engrais.

Les divers détritus organiques, ou débris des végétaux et des animaux dans leur décomposition, élèvent la température, déterminent des courans électriques, laissent dégager ou dissoudre plusieurs composés nouveaux de leurs élémens, et surtout l’acide carbonique, dont les plantes assimilent le carbone et le carbonate d’ammoniaque qui parait assurer aux engrais azotés des débris animaux une incontestable supériorité sur les engrais végétaux, surtout dans la reproduction des graines et des autres parties azotées des plantes.

Si l’action intime de tous les produits solubles ou gazeux que fournissent les engrais n’a pas été encore suffisamment étudiée, il est toutefois certain que la plupart de leurs effets, récemment bien précisés, se reproduisent partout où les conditions favorables sont remplies.

Nous commencerons donc par l’exposé de ces conditions et des moyens de les réunir.


Section 1re. — Des circonstances favorables à l’action des engrais.

§ 1er. — De l’humidité.

Au premier rang parmi les agens extérieurs qui favorisent l’action des engrais, se place l’humidité : en effet, sans une certaine proportion d’eau, la décomposition des engrais n’a pas lieu ou se trouve trop retardée, et d’un autre côté la végétation des plantes, trop ralentie par suite de la même cause, ne peut même profiter des émanations gazeuses, dont le défaut d’humidité rend en-