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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : PLANTES TEXTILES ET FILAMENTEUSES.


n’auraient aucun moyen de subvenir à leurs besoins pendant l’année. Cet état de choses nécessite l’intervention d’un spéculateur désigné sous le nom de linier locataire. Le cultivateur traite avec le linier locataire, à raison de 150 fr. par an pour un arpent du pays (environ 1/2 hectare), ci : 150 f.   » c.

dépenses.
Redevances et impôts 
 20 f.   » c.
Labour, hersage, roulage 
 25      »
Engrais, 2 cinquièmes d’un assolement 
 30      »
Frais de maison du cultivateur 
 10      »

Total 
 85      »

Bénéfice net 
 65      »

Les liniers locataires fournissent la graine, font ou font faire l’ensemencement, se chargent du sarclage et vendent la récolte aux liniers exploitans, lorsqu’elle arrive à maturité, à raison de 250 f. par arpent, ci : 250 fr.

dépenses.
Location 
 150 f.   » c.
Graine, 1 hectolitre 1/4 et semage. (La graine de Riga vaut 50 f. l’hectolitre ; celle qu’elle produit ne se vend plus que 36 f., et il s’établit ainsi une diminution progressive en rapport avec le nombre d’années d’importation, de manière qu’après 4 ou 5 ans, la graine ne vaut plus que 15 f.) 
 38      »
Etaupinage 
 2    50
Sarclage 
 7      »
Démarches et pour-boire que nécessitent la location, l’ensemencement, le sarclage et la vente 
 7      »

204 fr. 50 c.

Le linier locataire a donc par arpent un bénéfice brut de 
 45    50

D’après ce rapide extrait, on voit que la graine de Riga est de beaucoup préférée à celle du pays dans le département de l’Aisne. Dans celui de la Sarthe, depuis les importantes expériences de M. Vétillart, il en est de même. En 1814, cet habile industriel fit venir de Russie plusieurs barils de cette graine, qu’il répartit entre les meilleurs cultivateurs de ses environs. « Avant cette époque, dit-il, la récolte était si peu assurée que l’on comptait à peine une bonne année sur cinq, et quelquefois la récolte manquait totalement… La réussite de la graine de Riga a été telle que nos lins, qui ne s’élevaient qu’à 18 pouces, se sont élevés jusqu’à 3 et 4 pieds. Outre cette grande amélioration en quantité, le lin a beaucoup augmenté en qualité ; ces deux avantagesontétésuivisd’un troisième non moins précieux ; les graines venant d’un pays froid nous ont donné une plante beaucoup plus robuste et moins sensible aux intempéries du printemps, ce qui a assuré nos récoltes pour tous les ans, plus ou moins abondantes à la vérité, mais toujours capables de dédommager le cultivateur de ses frais.»

Un journal de deux tiers à l’arpent produit, en lin du pays, 400 livres de graines, qui valent 30 f. le 100, ci 
 120 f.   » c.
500 livres de lin broyé, qui vaut 12 sols la livre, ou 60 f. le cent 
 300      »

Total brut d’un journal de lin du pays 
 420      »

Un journal de lin de Riga produit 400 livres de graines à 40 f. le cent 
 160      »
700 livres de lin broyé à 85 f. 
 595      »

Total brut d’un journal de lin de Riga [1]
 755      »
En portant pour le soin que ce lin exige de plus que le lin du pays, et pour l’achat de la grame dont le prix est plus élevé, une somme de 55 f., il restera 
 700 f.   » c.
Le lin du pays ne donnant que 
 420      »

La différence en faveur du lin de Riga est de 
 280      »

Afin d’éviter en partie le surcroît de dépense dont parle M. Vétillart, un excellent agriculteur des Ponts-de-Cé, M. Bouton-l’Evèque, a cherché à cultiver le lin de Riga sans le ramer. — Pendant cinq ans ilfit,àcetégard, des essais qui le convainquirent que la grame venant directement de Riga ne peut soutenir, dans la vallée de la Loire, la concurrence avec celle de Chalonne. Mais il n’en fut pas de même de la graine de Flandre ; celle-là réussit beaucoup mieux, puisque M. Bouton put vendre, après quelques années, sa récolte sur pied un tiers plus cher que ses voisins. — D’après lui,le lin de Flandre convient dans presque tous les terrains, et vient partout beaucoup mieux que celui de Chalonne. Dans les terres brûlantes, où ce dernier peut à peine végéter, il vient à 30 ou 32 po. (0m812, ou 0m866). Dans les terres fortes et fertiles, où le lin vient ordinairement très tendre, et se couche à la moindre pluie, il parvient à la plus haute taille, donne une forte filasse ; sa tige, peu chargée de graines, ne se couche pas.

Depuis les premiers essais de M. Bouton-l’Evèque, c’est-à-dire depuis 1827, le lin de Flandre gagne de proche en proche du terrain aux environs des Ponts-de-Cé, où il réussit généralement. Plusieurs fermiers ont aussi cherché à l’introduire dans l’île de Chalonne ; deux des miens, entre autres, ont répété, l’un pendant deux ans, l’autre pendant trois années consécutives, des expériences qui n’ont malheureusement pas répondu à mon attente. Chez tous, cette variété de lin est restée très-peu féconde, inconvénient fort grave dans la localité, et elle a végété, malgré la bonne culture, avec une telle u’régularité qu’on n’a pu en retirer que de mauvais produits. Toutefois, je suis loin de croire que ce non-succès sur un point soit de nature à empêcher de nouvelles expé-

  1. Dans cette évaluation on voit que M. Vétillart parle du prix de la filasse et non plus du lin dans son état brut, comme je l’ai fait jusqu’ici. — Pour comparer les résultats, il faudrait donc porter en déduction les frais assez considérables du rouissage, du broyage, etc.