Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/120

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106 ARTS AGRICOLES : LAVAGE DES LAINES LIV. IV. On commence ordinairement la 1re jetée avec les basses qualités, soit patins, ou cuisses, pour garnir le bain de suint. Le bain ainsi garni, on commence une 1re mise de laine fine, et on juge s’il est au degré nécessaire par le prompt dépouillement du suint. Lorsque la laine est dans la chaudière on la remue avec un bâton, et après 5 ou 6 minutes de séjour on relève le filet avec un tour placé sur la chaudière et semblable à celui des teinturiers. Pendant que cette 1re mise égoutte, on jette le 2e filet, dans lequel on met autant de laine que dans le 1er ; et durant l’in- tervalle que cette laine reste dans la chaudière, on porte la 1re mise aux laveurs. Dans le Midi, les paniers de lavage sont ronds, en fer ou en chêne ; d’autres sont en carré long entourés d’un filet à mailles serrées. Le fond de ceux-ci est en planches de chêne pour que la laine ne puisse s’échapper. Pour bien épurer une laine, 3 laveurs ayant cha- cun un panier devant eux se placent au milieu d’un courant d’eau. La distance entre eux est de 3 pieds, et ils sont, séparés l’un de l’autre par un plateau sur lequel ils se passent la laine successivement. Cha- cun tient une fourche bien polie à 3 cornes recour- bées, dont le manche à 4 pieds de long. Le 1er laveur prend une ou 2 livres de laine à la fois, la met dans son panier, la retourne et la remue avec sa four- che, faisant en sorte de ne pas la cordonner, et lor- squ’il l’a remuée un certain temps, il la remet au 2e qui la lave, la remue à son tour, puis la passe au 3e qui la lave encore jusqu’à ce qu’elle soit bien épurée et que l’eau en découle claire ; alors il la jette sur le gravier. Chaque laveur donne à peu près à la laine 3 à 4 tours à droite et autant à gauche. Dans le midi on lave aussi à la jambe dans la belle sai- son ; les laveurs sont dans les paniers et font faire avec la jambe 3 ou 4 tours à gauche, puis autant à droite, à la laine qu’ils se passent de l’un à l’autre. Le 3e laveur achève le lavage en mettant la laine lavée par lavée dans un grand panier ovale qui peut en contenir 60 environ et que 2 hommes portent à l’étendage. Le séchage ne diffère pas de la méthode espagnole que nous avons décrite ci-dessus. Quand la laine est sèche, on la met en piles, puis en balles. On voit que dans le lavage français c’est le bain d’eau de suint qui est l’agent le plus actif de cette épuration, et un laveur attentif doit veiller avec soin à la conservation de ce liquide, pour former le bain soit quand on manque de laines en suint, soit Fig. 104.

pour dégraisser celles manquées au 1er lavage, don- ner un supplément de suint aux agnelins, aux laines mal nourries ou lavées par la pluie, pour laver les pelures à la chaux, auxquelles il rend de la douceur et du moelleux, soit enfin pour achever le dégrais- sage chez le fabricant avant la mise en teinture, ou pour le foulage des draps et autres étoffes de laine. Au reste, l’opération de l’échaudage exige qu’on la fasse avec intelligence, et le laveur se rappellera que les laines offrent plus ou moins de résistance à l’action du bain, suivant qu’elles sont plus ou moins chargées de suint, que cette matière a plus ou moins de consistance, que la laine est restée un temps plus ou moins long en balles, et a fait un plus long voy- age ; il observera aussi que le bain de suint varie suivant son activité et sa force ; qu’il y a un degré de température variable pour chaque espèce de laine, etc.; tous détails dans lesquels nous ne pouvons entrer ici, mais que la pratique enseignera aisément.

3° Lavage Russe ou Davallon. En 1828, M. davaLLon a introduit en France un lavoir qu’il avait déjà établi à Odessa, et qui paraît offrir de notables avantages. Ce lavoir ( fig. 104) est composé : 1° de 2 rés- ervoirs supérieurs A, ayant 1 toise cube chacun, placés en tête d’un canal lavoir. L’un de ces réser- voirs contient de l’eau propre, et l’autre de l’eau de suint, dont il est alimenté par une pompe D qui la puise dans une citerne B au moyen d’un tuyau d’as- piration descendant à peu près jusqu’au milieu de sa profondeur. Tous deux versent les liquides qu’ils contiennent dans le canal par les robinets E. — 2° UncanallavoirF,R,longde36pieds,de41⁄2à5de profondeur, et d’une largeur de 22 pouces, construit en bois, solidement établi sur des charpentes, et for- tement arcbouté par des liens. Ce canal est divisé en 6 parties. La division F ou d’amont reçoit des réser- voirs A l’eau propre et celle de suint qui s’y mélan- gent. Une vanne qu’on peut élever ou abaisser à volonté sert à introduire dans le reste du canal ces eaux mélangées qui coulent par la partie supérieure de cette vanne. Ce canal est divisé en 4 cases G, H,

CHAP.5e DU SUINT DES LAINES 107 I, J formées par des enclayonnages en osier assez serrés pour que la laine ne passe pas facilement à travers. Ces cases ont la forme de trémies ; chacune d’elles est de la largeur du canal et de la longueur de 6 pieds. Après la case J ou en aval du canal, dans la division K, est placée une 2e vanne par-dessus laquelle se déverse le trop plein des eaux qui s’écou- lent dans une rigole qui fait le tour du lavoir et les conduit en C dans la citerne B. Les vannes sont placées pour que l’eau ne trouve pas d’issue dans le fond du canal, parce que son écoulement, au moins en forte quantité, par-dessous les vannes ou sur les côtés, relèverait les boues du fond, et troublerait la propreté du bain. — 3° Deux ou trois chaudières ième case I. L’ouvrier qui est posté à cette deuxième trémie, au fur et à mesure que la laine y est jetée, l’agite vivement à l’aide de son pilon, jusqu’à ce que la première trémie ait été entièrement vidée dans la sienne. Aussitôt que l’ouvrier de la trémie J a fait passer la laine qu’elle contenait dans celle I, il lui en est fourni de nouvelle sortant du bain, et qu’il tra- vaille comme ci-dessus. L’ouvrier de la trémie I, dès que toute la laine du no 1 lui est fournie, prend son bâton et la fait passer dans la trémie H ; l’ouvrier de la trémie H fait la même opération, et transporte la laine dans la trémie G. L’ouvrier placé près de celle-ci, armé d’une fourche, en retire la laine au fur et à mesure qu’elle lui est jetée par l’ouvrier no 3 ; il la place sur un plancher troué : l’eau qui s’en égoutte rentre dans le canal. Un ouvrier relève cette laine et la met dans une presse pour éliminer la plus grande partie de l’eau qu’elle retient, et qui s’écoule dans le canal. Cette presse se compose d’une caisse U percée d’une multitude de trous, et sur laquelle, quand on l’a rempli de laine, on place un pilon qu’on abaisse au moyen d’un levier, et dont on aug- mente l’effet par un treuil Y qui sert à en exprimer fortement tout le liquide. Dans ce nouveau mode de lavage on opère d’une manière continue ; un des ouvriers qui s’arrêterait un seul instant entraînerait la suspension de travail de tous les autres. Il faut 4 laveurs,unhommeaubaindelalaine,un6eouvrier à la presse, enfin un ouvrier pour les chaudières ; en tout7hommesquipeuventpréparer1500kil.de laine par journée de travail. Si on agit sur de la laine grossière, on en prépare une plus grande quantité, par la raison qu’on l’agite moins longtemps avec le pilon. L’eau circule dans toute la longueur du canal, et traverse ainsi les cases trouées, sans que l’action du pilon, qui dans chaque case la relève à plus d’un pied, la rende trouble dans le bassin ; au contraire, les matières dont la laine est chargée se précipitant au fond pour ne piusse relever. Les matières légères qui surnagent sont entraînées hors du lavoir. Les laines frappées perpendiculairement par le pilon ne sont ni nouées, ni cordées, cassées ou feutrées ; les filaments ou les mèches ont conservé leur position naturelle, et elles ressemblent à des laines lavées à dos. Il ne se perd aucune portion de laine. Le savon à base de potasse et les sels qui recouvrent la laine se dissolvent et forment l’eau de suint, tandis que la matière grasse insoluble se rassemble à la sur- face et est expulsée hors du lavoir. L’eau de suint, recueillie et enlevée par la pompe au milieu du rés- ervoir, ne porte dans le réservoir supérieur qu’une eau savonneuse, douce, claire et pure, et très pro- pre à nettoyer la laine. Le lavage peut s’opérer à divers degrés de dessuintage, soit en retirant la laine dans la 1re, la 2e ou la 3e case. On obtient une uni- formité de nuance de la laine. Cette opération est facile et tout individu peut y concourir. Il y a écon- omie de main-d’œuvre et de combustible. Ce lavoir peut être placé dans toute position. Il n’exige qu’un emplacement d’environ 50 pieds de longueur et 20 de largeur. Un mètre à 1 mètre et demi cube d’eau suffit pour laver 1500 kil. de laine. Enfin, les mat- Fig. 105. L placées sur les bords du canal et en aval à droite contenant au moins cha- cune