Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/139

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nt. La feuille mouillée est très préjudiciable aux vers à soie, elle leur occasione un dévoiement qui les affaiblit et les retarde s’il dure peu, les fait périr s’il se prolonge.

CHAP.7e NOURRITURE DES VERS À SOIE 125 Dans l’intérêt même de l’arbre, on évite de la ramasser (c’est l’expression vulgaire) quand il est mouillé, car alors son écorce attendrie cède facilement au frottement et à la pression des échelles, des pieds et même des mains des ramasseurs ; il en résulte des déchirures par où l’eau pénètre, comme elle le fait aussi, quoique plus insensiblement, par les petites plaies qu’occasione l’arrachement des feuilles. J’ai vu une plantation tout entière périr peu à-peu, pour avoir été ramassée plusieurs années consécutives pendant un temps de pluie. La cueillette se fait au moyen de longues échelles que l’on applique contre le mûrier. Le ramasseur s’attache un sac à sa ceinture, se tient d’une main aux branches et de l’autre cueille la feuille : pour cela il empoigne une branche sans la serrer, puis fait couler la main de bas en haut, toujours dans le sens de la branche, et arrache les feuilles sans effort. Quelqueséducateursontprétenduqu’ilfallait cueillir les feuilles l’une après l’autre, ou même les couper avec des ciseaux et les laisser choir tout naturellement dans des draps étendus par terre. Je conviens que cette méthode est fort supérieures à celle que j’indique, et je la conseille même fortement à tous ceux qui font une chambrée sur la table de leur cabinet ; mais, je le demande, quel est le village dont la population tout entière suffirait à une chambrée qui consomme par jour 30 ou 40 quintaux de feuilles ! Laissons donc de côté ces idées théoriques, et faisons ramasser notre feuille selon l’ancien usage. Le ramasseur ne doit mettre les pieds sur l’arbre que lorsque les échelles ne peuvent plus y atteindre ; les plus longues n’ont guère plus de 25 pieds, au-delà elles seraient trop difficiles à manier. Lorsqu’il a rempli le sac pendu à sa ceinture, il le vide dans un drap ; ce drap doit toujours être étendu à l’ombre : si cela ne se peut et que l’ardeur du soleil soit un peu forte, il faut recouvrir avec un autre drap la feuille ramassée, car elle est très sensible au hâle. Par la même raison, dès que le drap est plein, on doit le transporter au magasin, où nous allons le suivre pour traiter de la conservation de la feuille. § iv. — De la conservation de la feuille an magasin. Le magasin est un appartement au rez-de- chaussée, ordinairement au-dessous de la magnanerie ; il doit être pavé, voûté et bien aéré, principalement du côté du nord si la localité le permet, et être assez vaste pour contenir une quantité de feuilles suffisante pour deux jours au moins. Avant d’y introduire la feuille on a soin de balayer parfaitement le pavé, et de l’arroser ensuite afin de produire de la fraîcheur. Cela fait, la feuille est répandue sur le pavé en l’agitant le plus possible. Plus elle doit rester en magasin, moins on doit l’amonceler ; un pied d’épaisseur est assez, si on veut la conserver plus d’un jour. Ces précautions prises, on ferme les ouvertures qui pourraient laisser pénétrer les rayons du soleil ou les animaux. Quoique la feuille la plus nouvellement ramassée soit la meilleure, il est prudent d’en avoir toujours en magasin pour un jour d’avance, et même plus, si le temps est à l’orage ou à la pluie. Elle demande alors la plus grande surveillance : on doit la changer de place, la remuer, l’agiter avec des fourches au moins quatre fois par jour en commençant de très grand matin et finissant à 10 ou 11 heures du soir ; plus elle est déjà restée de temps au magasin, plus il faut répéter cette opération et la faire avec soin. Toutes ces précautions sont prises pour éviter la fermentation. Si on s’aperçoit que la feuille jaunit et s’échauffe, elle commence à s’altérer ; dans cet état elle n’est point encore délétère, et à défaut d’autre, on peut s’en servir immédiatement ; mais si elle est sensiblement chaude, si elle perd de sa belle couleur verte, elle n’est plus bonne qu’à faire du fumier. La feuille la plus forte, la plus dure, la plus foncée encouleuretquenousnommonslanguedebœuf,est la meilleure pour la conservation et le transport. On est souvent forcé de cueillir et transporter la feuille malgré la pluie ; alors on a soin, en l’emballant, de la presser autant qu’on peut. Arrivé au magasin, on laisse les ballots dans cet état pendant une ou 2 heures pour provoquer un commencement de fermentation qui absorbera l’eau de la pluie ; aussitôt que l’on reconnaît que la chaleur est produite, on défait les ballots, on agite la feuille comme nous avons dit plus haut, on l’étend sur une grande surface, on établit un courant d’air, et dès que la feuille est refroidie on la donne aux vers : elle ne se conserverait pas. Ce moyen est d’une exécution très délicate ; la réussite dépend d’ailleurs de beaucoup de circonstances, telles que la qualité, l’espèce de la feuille, le temps qu’elle est restée en route, etc. Je ne voudrais donc pas qu’on y eut trop de confiance, et je le considère seulement comme une tentative pour sauver la chambrée. Le hâle qui dessèche et la fermentation qui putréfie sont les seules altérations à craindre pour la feuille ramassée, et avec les soins que j’indique on peut la conserver plusieurs jours ; mais, je le répète encore, il vaut mieux que les vers soient privés de nourriture que de les forcer à en prendre d’avariée. Ce cas arrive souvent, et, l’année dernière, j’ai vu plusieurs chambrées jeûner pendant 36 heures et donner ensuite un assez bon produit. § v. — Distribution économique de la feuille. La distribution doit se faire à des heures réglées ; on ne doit donner chaque fois que la nourriture que le vers peut consommer ; l’expérience est une règle plus sûre que toute autre. En effet, comment peut-on déterminer qu’il faut telle ou telle quantité de feuille à tel ou tel âge par once de graine ? Ne sait-on pas qu’à chaque mue il périt beaucoup de vers ; que dans une magnanerie la mortalité est plus grande que dans l’