Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
liv. iv.
Arts agricoles : éducation des abeilles.

[8.2.3.2]

§ II. — Soins généraux à donner aux abeilles.

Visiter souvent les abeilles pour qu’elles connaissent les apiculteurs, le faire sans bruit, parler bas, point de mouvemens brusques ; se baisser si une abeille annonce par un bourdonnement particulier et par son vol devant l’apiculleur l’intention de l’attaquer, et ne se relever que lorsqu’elle s’est retirée ; ne soulever ni ouvrir les ruches que lorsque les soins l’exigent, et toujours doucement ; détruire dans ces visites les araignées, les limaces, ainsi que les fausses teignes qu’on trouve entre le surtout et la ruche ; brûler les guêpiers et les fourmilières avec le feu ou l’eau bouillante ; enfin, faire la chasse à la famille des rats et aux oiseaux.

[8.2.3.3]

§ III. — Vêtement des apiculteurs.

Les abeilles sont en général assez douces et n’attaquent que ce qu’elles considèrent comme nuisible.

On s’oppose aux piqûres des abeilles en se couvrant : 1o d’un pantalon à pied ou d’une paire de guêtres pour recouvrir le soulier et le bas du pantalon ; 2o d’un gilet qui ferme bien ; 3o de gants épais, assez longs pour être liés sur la manche ; 4o d’un camail de coutil ou de toile cirée qui enveloppe la tête et le cou et qu’on serre dans le bas pour que les abeilles ne puissent pas piquer ces parties. On fait devant la figure, pour pouvoir respirer, une ouverture suffisante pour y mettre un masque bombé, composé avec de la toile fine de laiton, dont les mailles permettent de voir et empêchent les abeilles de passer. À défaut de camail, les dames peuvent employer la gaze blanche, en l’écartant un peu de la figure. Ainsi vêtu, on opère tranquillement et sans crainte d’être piqué par les abeilles ou de les tuer.

Comme on ne prend pas ces précautions dans les visites de simple inspection, on doit avoir sur soi un flacon d’alcali volatil. Dès qu’on est piqué, on s’empresse d’arracher l’aiguillon de la plaie et d’y verser une goutte de ce liquide. Les autres alcalis peuvent au besoin le remplacer, même la chaux vive, et à défaut un peu d’huile ou de miel. On presse et on suce la plaie, si on le peut, avant de rien mettre dessus.

[8.2.3.4]

§ IV. — Soins à donner aux abeilles à l’entrée de la mauvaise saison.

Dès qu’il n’y a plus de fleurs, de feuilles et de fruits pour fournir de la nourriture aux abeilles, on doit peser toutes les ruches. On défalque de leur poids, celui de la ruche, plus 5 livres pour les abeilles et 2 livres pour la cire. Le surplus doit être du miel dont il faut 12 à 15 livres par essaim fort ou faible, fait étonnant, mais constaté par l’expérience. Ce poids est une moyenne proportionnelle, car plus l’hiver est doux, plus les abeilles consomment de miel.

On ne prend pas de miel aux essaims qui n’ont que 20 à 25 livres, parce que les abeilles aussi bien approvisionnées seront plus actives au printemps, qu’elles seront moins exposées à manquer de vivres pour elles et leurs vers, s’il survient, dans cette saison, un vent très-sec qui enlève le nectar à mesure que les fleurs en produisent, ou un temps pluvieux qui délaie cette substance ; qu’elles fourniront plus tôt des essaims et produiront une récolte plus abondante de miel. En effet, plus les abeilles sont dans l’abondance à l’entrée du printemps, plus le renouvellement d’une ponte considérable a lieu ; plus les abeilles multiplient, plus elles recueillent de miel et peuvent en déposer dans les magasins, puisque s’il faut la récolte journalière de 10 à 15,000 ouvrières pour la consommation de l’essaim, c’est-à-dire pour la nourriture des vers et des abeilles, et qu’il y ait 30,000 ouvrières dans une ruche, la moitié de leur récolte peut être économisée, pendant qu’un essaim qui n’a que 10 à 15,000 ouvrières ne peut pas faire une réserve en miel s’il a un fort couvain à nourrir, et est exposé à la disette s’il survient un mauvais temps.

Si les ruches contiennent moins de 12 livres de miel au moment de la visite, et que le temps ne soit pas froid, on leur donne le soir, comme on l’a dit plus haut, des sirops faits avec des fruits sucrés et préparés d’avance, ou du miel commun jusqu’à la concurrence d’une livre qu’elles ramassent pendant la nuit. On continue jusqu’à leur complet approvisionnement. Si la température est froide la nuit, on donne le sirop ou le miel un peu tiède, le matin, après y avoir mêlé un peu de vin ou du cidre, et pendant qu’on le chauffe on saupoudre le plateau avec du sel de cuisine ; mais en donnant la nourriture le matin, il faut pousser la ruche en arrière pour réduire la hauteur de l’entrée et empêcher que les ouvrières des ruches voisines ne viennent s’emparer d’une partie du miel.

Si on avait trop retardé cette opération, et que le froid et l’humidité eussent augmenté, on donne alors aux abeilles des rayons remplis de miel dont on enlève les couvercles avec une lame mince. On les pose à plat sur le plateau qu’on a préalablement saupoudré de sel.

Si on se servait de la ruche perfectionnée, ou autres divisées sur la largeur, et qu’on eût des essaims fortement approvisionnés et d’autres qui ne le fussent pas assez, on cherche à égaliser leurs vivres. On donne à l’essaim mal approvisionné la moitié de la ruche qui a beaucoup de miel, et on remplace cette moitié par celle de l’autre ruche. Mais pour réussir on prend les précautions suivantes : Après s’être vêtu pour se garantir des piqûres, on enlève le surtout de la forte ruche, et on défait les crochets qui réunissent ses 2 parties. On frappe 2 ou 3 coups contre le côté de la ruche qu’on veut laisser en place pour y attirer la reine. Des abeilles veulent-elles sortir, on les en empêche au moyen de vieille toile ou serpillière roulée au bout d’un petit bâton, et dont on met à l’entrée de la ruche, l’extrémité à laquelle on a mis le feu, mais sans flamme. C’est ce qu’on nomme fumeron. La fumée qu’on souffle dans l’entrée s’oppose à la sortie des abeilles et les détermine à environner la reine. Elles y font un bourdonnement qu’on nomme bruissement. Alors on soulève la moitié de la