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chap. ier
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FABRICATION DES FROMAGES.

La construction des bâtimens de la fromagerie dépend des localités ; mais elle est toujours dirigée d’après les mêmes principes, elle offre les mêmes dispositions, et l’intérieur (fig. 50) en est toujours muni des mêmes ustensiles.

Fig. 50.

On fabrique 3 espèces de fromages : 1° le fromage gras, dans lequel on laisse toute la crême ; — le mi-gras, qui se fait avec la traite du matin et celle de la veille écrêmée ; — le maigre, qui se fabrique avec le lait écrêmé. — La seconde espèce est celle que l’on trouve le plus fréquemment dans le commerce ; elle entre dans les approvisionnemens de la marine et des armées.

Le fruitier qui fabrique en Suisse le fromage de Gruyères a 2 vases de présure ; l’un contient une infusion de caillette fraîche, et l’autre une infusion de caillette ancienne. L’essai de la présure se fait en versant quelques gouttes de la plus forte dans une cuillerée de lait chauffé. Si la coagulation est instantanée, la présure est trop forte, et on l’affaiblit avec la seconde, au point qu’une partie de cette présure mêlée à six de lait à 26° C., opère la coagulation en 20 secondes environ. La présure de cette force s’emploie à la dose de 1/500e partie en hiver, et de 1/600e en été. Une caillette donne de la présure forte pour 6 fromages de 25 kilog. (50 liv.), après cela elle passe au second pot et fournit de la présure faible pour la même quantité de fromage. L’infusion se fait avec la cuite, c’est-à-dire du petit-lait chaud à 36°. L’habitude donne au fruitier un indice certain sur la quantité de présure à mettre suivant la saison et la nature du lait plus ou moins gras. La présure étant préparée, on coule dans la chaudière la traite du matin ; on y ajoute la traite du soir précedent écrêmée, en tout ou en partie, suivant la richesse du lait ; seulement, si on s’aperçoit que le lait d’une terrine ait passé à l’aigre, on n’en fait pas usage. 190 litres de lait rendent un fromage de 25 kil. (50 liv.).

Aussitôt que le lait est dans la chaudière, on place celle-ci en faisant tourner la potence (fig. 31) sur un feu modéré pour élever la température du liquide jusqu’à 25° C ; quand il y est arrivé, on retire de dessus le feu et on y jette la présure, qu’on mêle en agitant en tous sens ; on laisse reposer loin du foyer ; 15 à 20 minutes, suivant la saison, suffisent pour cailler le lait. Quand la coagulation est complète, que le petit-lait est bien séparé de la partie caséeuse, on enlève à la surface du liquide la pellicule qui le recouvre.

Après cette opération on brise avec soin le caillé, en le coupant dans tous les sens avec la grosse cuillère ou un tranchant de bois, et quand il est réduit en morceaux gros comme des pois on prend le brassoir (fig. 40 B C) pour achever la division et le réduire en pulpe. Pour cela on plonge l’instrument dans le lait jusqu’au fond de la chaudière, et en le tournant, tantôt en rond, tantôt en ovale, on imprime à toute la masse du liquide un mouvement de tourbillon irrégulier. Tout en brassant, on replace la chaudière sur le foyer, et sans cesser un instant de brasser on conduit le feu de manière à ce que le liquide arrive en 20 ou 25 minutes à 33° C.; alors on retire la chaudière du feu et on continue de brasser pendant environ 1/4 d’heure.

L’opération est achevée quand le caillé est réduit en grains d’un blanc jaune, qui, lorsqu’on les presse dans la main, se collent et forment une pâte élastique qui craque sous la dent quand on la mâche.

Quelques minutes après qu’on a cessé de brasser, le fromage se dépose au fond de la chaudière, sous la forme d’un gâteau, d’une consistance assez ferme. Pour concentrer cette masse et lui donner la forme d’un pain relevé, le fruitier passe sa main tout autour du gâteau, repoussant le bord vers le milieu ; ensuite il prend sa toile, roule en 2 ou 3 tours un de ses bords sur une baguette flexible, et passe cette baguette sous le pain, en faisant tenir les deux coins opposés de la toile à un aide placé au côté opposé ; quand la toile est bien arrangée sous le pain, le fruitier, par un coup de bras adroit, fait tourner cette masse de manière à ce que la surface qui touchait le fond se trouve dessus ; après cela, tirant la toile par les quatre coins, il sort le fromage du petit-lait, le laisse égoutter quelque temps sur la chaudière, et le place dans le moule enveloppé de sa toile. Sans perdre un instant, il repasse une seconde toile dans la chaudière pour recueillir les particules de fromage qui se sont détachées de la masse ; il réunit ces débris dans le fond de la toile et en fait une pelote qu’il fait entrer dans le centre de la masse. Il replie les bouts de la toile sur le fromage, le charge d’une planche, et fait porter sur cette planche le poids de la presse ; le fromage ne doit pas dépasser le cercle de plus d’un pouce.

Au bout d’une demi-heure on soulève le poids, on ôte le plateau et le cercle, on remet une toile propre, on retourne, on place dans le moule rétréci, on remet le couvercle, et on replace sous la presse le fromage, qui ne dépasse plus le cercle que de 3 lignes. Dans les six premières heures on a soin de resserrer successivement le moule, et que le fromage soit soumis à une pression très forte qui le débarrasse de tout son petit-lait. Ce soin est la base de la fabrication suisse, dont

agriculture.
tome III.