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livre viii.
HORTICULTURE.


cines par les branches rajeunies ; la vie de l’arbre n’est restaurée que parce qu’il s’est refait des racines en rapport avec sa nouvelle charpente. Quant aux vieilles racines, elles se détruisent, et leurs débris décomposés servent de nourriture aux jeunes racines : telle est la marche du rajeunissement du poirier. Ainsi, au bout de quelques années, il ne reste plus rien du vieil arbre, ni racines ni branches ; la souche seule sur laquelle on a recépé subsiste comme souvenir de l’arbre renouvelé. Rien ne montre mieux que ce lait intéressant et peu connu la nécessité de maintenir l’équilibre entre les diverses parties d’un arbre ; car toutes les fois qu’un arbre s’emporte d’un côté, les racines correspondantes s’emportent de même sous terre ; on a beau ensuite rapprocher et rogner les branches gourmandes, on n’ôte rien à la force des racines qui tendent toujours à envoyer plus de sève au côté qui les a formées. En un mot, si les racines font les brandies, les branches font les racines.

On vient de voir que quand on s’en remet à la fertilité du sol et à la vigueur de l’arbre, du soin de lui refaire à la fois une charpente et des racines, le succès du recépage est très aventuré ; le plus souvent, l’opération est manquée. On est au contraire certain du succès lorsque, au lieu de laisser la souche développer en bourgeons ses yeux latents, on pratique sur le tronc ou les grosses branches recépées la greffe en couronne (voir greffe, fig. 200). On place dans ce cas autant de greffes que la circonférence du tronc recépé en comporte ; il n’en faut pas moins de six sur une branche-mère de 0m,08 de diamètre. Dès que ces greffes ont repris, elles poussent avec une énergie extraordinaire, parce qu’elles ont pour se nourrir toute la sève que leur envoie un système de racines tout formé et encore vivace. Mais, peu à peu, les greffes qui sont de véritables boutures sur bois prolongent, sous l’écorce, des racines qui, plongeant dans le sol, déterminent successivement la mort de toutes les vieilles racines. L’arbre renouvelé complètement a plus de force qu’un jeune sujet ; ce sont plusieurs boutures vigoureuses qui, se soudant l’une à l’autre par leurs racines, mettent en commun leur énergie vitale. De toutes ces greffes on n’en laisse pousser que ce qu’il on faut pour rétablir la charpente du poirier ; les autres, conservées d’abord pour attirer la sève, mais pincées pour arrêter leur croissance, sont supprimées plus tard, lorsque celles dont on a besoin ont décidément pris le dessus.

Nous ne saurions assigner de limites à la durée des arbres rajeunis par le recépage ; nous en connaissons en Belgique, où ce système est pratiqué de toute antiquité, qui ont été recépés au moins quatre fois, et qui sont certainement plus que séculaires ; ils paraissent fort en état de supporter encore au moins un renouvellement. Dans les contrées de l’ouest, où la culture des arbres fruitiers pour la production du cidre est considérée comme un objet de la plus haute importance, c’est toujours par le rapprochement, suivi de la greffe en couronne, que les arbres épuisés, soit pommiers, soit poiriers, sont rajeunis ; cette coutume est générale dans la Beauce, la Normandie et la Bretagne ; elle paraît s’y être perpétuée depuis les Romains, qui la connaissaient. Les auteurs anglais sont unanimes pour conseiller le rajeunissement partiel des vieux poiriers ; selon Rogers, dont les ouvrages sur la culture des arbres à fruit sont très estimés dans toute la Grande-Bretagne, l’opération doit durer quatre ans ; on retranche chaque année le quart de la charpente qu’on renouvelle par la greffe en couronne. Les Anglais trouvent dans l’emploi de cette méthode un avantage réel, en ce que les récoltes ne sont pas interrompues. Il est probable que les succès qu’ils en obtiennent sont dus à la nature du sol et du climat de la Grande- Bretagne. Nous avons fait plusieurs fois, en France et en Belgique, l’essai du renouvellement partiel du poirier ; le résultat a été constamment inférieur à celui du rajeunissement général par un recépage complet.

Section VII. — Taille et conduite du pommier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

La végétation naturelle du pommier est de tout point semblable à celle du poirier ; comme lui, le pommier ne développe au sommet de chaque section de ses branches que des bourgeons à bois ; comme lui, il ne donne ses productions fruitières que sur la partie intermédiaire de chaque section, entre le sommet qui ne porte que du bois et le bas qui ne porte rien, parce que ses yeux sont endormis ou oblitérés. Tout ce que nous avons dit des productions fruitières du poirier, lambourdes, dards, bourses, bouquets, s’applique mot pour mot aux productions fruitières du pommier. La taille de ces deux arbres repose donc sur des principes absolument identiques, et nous avons peu d’espace à accorder à la taille et à la conduite du pommier, après ce que nous avons dit du poirier ; en un mot, les titres de ces deux sections pourraient être transposés sans inconvénient. Nous croyons donc devoir nous abstenir de reproduire, dans de nouvelles figures, les branches à fruit et les rameaux du pommier ; l’inspection des figures analogues pour le poirier suffit pour s’en former une idée exacte.

§ II. — Pommiers nains.

Les pommiers greffés sur franc et sur doucain, se taillent et se conduisent en plein vent, en pyramide, en vase et en espalier, comme les poiriers de même forme ; ils ont seulement moins de propension à s’élever et beaucoup plus de souplesse, ce qui tient à la nature moins rigide de l’écorce et à la plus grande abondance du liber. C’est pour cette raison que deux branches de pommier croisées l’une sur l’autre, soit qu’elles appartiennent au même arbre, soit qu’elles vivent sur des arbres diffé-