Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/128

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que : « Le verbe est un mot qui sursignifie le temps, et toujours il exprime ce qui est affirmé de quelque chose[1]. »

Que fait Arnaud[2] ? Il transcrit la première partie de cette définition ; et comme il a observé que le verbe outre sa signification essentielle, exprime encore trois accidents, la personne, le nombre et le temps, il charge sérieusement Aristote de s’être arrêté à cette troisième signification. Il se garde bien cependant de citer les paroles de ce philosophe, ni même l’endroit de ses œuvres d’où le passage est tiré. Il le donne seulement en passant, comme un homme qui n’a vu, pour ainsi dire, qu’un tiers de la vérité. Il écrit lui-même deux ou trois pages, et libre alors de ce petit Aristote qu’il croit avoir parfaitement fait oublier, il copie la définition entière et se l’attribue sans façon[3].

Tels sont les écrivains de Port-Royal, des voleurs de profession excessivement habiles à effacer la marque du propriétaire sur les effets volés. Le reproche que Cicéron adressait si spirituellement aux stoïciens, s’ajuste à l’école de Port-Royal avec une précision rigoureuse.

Le fameux livre de la Grammaire générale est sujet d’ailleurs à l’anathème général prononcé contre les productions de Port-Royal. C’est que tout ou presque tout ce qu’ils ont fait est mauvais, même ce qu’ils ont fait de bon. Ceci n’est point un jeu de mots. La Grammaire générale, par exemple, quoiqu’elle contienne de fort bonnes choses, est cependant le premier livre

  1. Ῥῆμα δέ ἐστι τὸ προσσημαῖνον χρόνον… καὶ ἔστιν ἀεὶ τῶν καθ’ ἑτέρου λεγομένων σεμεῖον. Arist. De interpret. cap. III.
  2. Ou peut-être Lancelot : c’est ce qui n’importe nullement. Il suffit d’en avertir.
  3. Personne n’imaginera, je pense, qu’Aristote ait pu ignorer que le verbe exprime la personne et le nombre. Quand il dit donc que le verbe est ce qui surgnifie le temps, cela signifie que ce mot ajoute l’idée du temps aux autres que renferme le verbe ; ou en d’autres termes, qu’étant destiné par essence à affirmer, comme tout le monde sait, il suraffirme de plus le temps. D’ailleurs, dès qu’Aristote ajoute tout de suite : Et toujours le verbe est le signe de l’affirmation, pourquoi s’emparer de ce passage et l’escamoter au propriétaire ?