Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/160

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Ni le roi, ni l’usurpateur ne se trompaient sur ce point ; tous les deux, quoique différents, étaient conduits par le même esprit ; ils sentaient leur ennemi, et le dénonçaient, par une antipathie spontanée, à toutes les autorités de l’univers. Quoique dans la révolution française la secte janséniste semble n’avoir servi qu’en second, comme le valet de l’exécuteur, elle est peut-être, dans le principe, plus coupable que les ignobles ouvriers qui achevèrent l’œuvre ; car ce fut le jansénisme qui porta les premiers coups à la pierre angulaire de l’édifice, par ses criminelles innovations[1]. Et dans ces sortes de cas où l’erreur doit avoir de si fatales conséquences, celui qui argumente est plus coupable que celui qui assassine. Je n’aime pas nommer, surtout lorsque les plus déplorables égarements se trouvent réunis à des qualités qui ont leur prix ; mais qu’on relise les discours prononcés dans la séance de la Convention nationale, où l’on discuta la question de savoir si le roi pouvait être jugé, séance qui fut, pour le royal martyr, l’escalier de l’échafaud, on y verra de quelle manière le jansénisme opina. Quelques jours après seulement (le 13 février 1793, vers les onze heures du matin), je l’entendis, dans la chaire d’une cathédrale étrangère, expliquer à ses auditeurs qu’il appelait citoyens, les bases de la nouvelle organisation ecclésiastique. « Vous êtes alarmés, leur disait-il, de voir les élections données au peuple ; mais songez donc que tout à l’heure elles appartenaient au roi, qui n’était après tout qu’un commis de la nation, dont nous sommes heureusement débarrassés. » Rien ne peut atten-

  1. Qui ne sait que cette constitution civile du clergé qui, en jetant parmi nous un brandon de discorde, prépara votre destruction totale (celle du clergé), fut l’ouvrage du jansénisme. (Lett. de Thom. de Soer, éditeur des Œuvres complètes de Voltaire, à MM. les vicaires généraux du chap. métrop. de Paris, in-8o, 1817, pag. 9.) Acceptons cet aveu, quoique nullement nécessaire. Le chef-d’œuvre du délire et de l’indécence peut, comme on voit, être utile à quelque chose.