Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
DE L’ÉGLISE GALLICANE.

l’Église gallicane : Placée entre les ultramontains et les protestants, elle reçoit les coups des deux partis[1].

Je suis fort éloigné de prendre cette phrase au pied de la lettre : j’ai souvent fait une profession de foi contraire, et dans cet ouvrage même on lira bientôt « que s’il y a quelque chose de généralement connu, c’est que l’Église gallicane, si l’on excepte quelques oppositions accidentelles et passagères, a toujours marché dans le sens du Saint-Siège[2]. »

Mais si l’observation de Gibbon ne doit point être prise à la lettre, elle n’est pas non plus tout à fait à négliger. Il importe au contraire grandement d’observer comment un homme profondément instruit, et d’ailleurs indifférent à toutes les religions, envisageait l’Église gallicane, qui ne lui semblait plus, à raison de son caractère particulier, appartenir entièrement à l’Église romaine.

Si nous examinons nous-mêmes avec attention cette belle portion de l’Église universelle, nous trouverons peut-être qu’il lui est arrivé ce qui arrive à tous les hommes, même aux plus sages, divisés ou réunis, d’oublier ce qu’il leur importe le plus de n’oublier jamais, c’est-à-dire, ce qu’ils sont.

Honorablement éblouie par l’éclat d’un mérite transcendant, l’Église gallicane a pu quelquefois avoir l’air, en se contemplant trop, de ne pas se rappeler ou de ne pas se rappeler assez qu’elle n’était qu’une province de l’empire catholique.

De là ces expressions si connues en France : Nous croyons, nous ne croyons pas, nous tenons en France, etc., comme si le reste de l’Église était tenu de se tenir à ce qu’on tenait en France ! Ce mot de nous n’a point de sens dans l’association catholique, à moins qu’il ne se rapporte à tous. C’est là notre gloire, c’est là notre caractère distinctif, et c’est manifestement celui de la vérité.

L’opposition française a fait de grands maux au christia-

  1. Histoire de la décadence, etc. in-8o, tom. IX, page 310, note 2.
  2. Liv. II, chap. IV.