Page:Maistre - Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Pélagaud, 1854, I.djvu/40

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portée par quatre colonnes chinoises au-dessus de l’entrée de ma maison : mon cabinet de livres ouvre immédiatement sur cette espèce de belvédère, que vous nommerez si vous voulez un grand balcon ; c’est là qu’assis dans un fauteuil antique, j’attends paisiblement le moment du sommeil. Frappé deux fois de la foudre, comme vous savez, je n’ai plus droit à ce qu’on appelle vulgairement bonheur : je vous avoue même qu’avant de m’être raffermi par de salutaires réflexions, il m’est arrivé trop souvent de me demander à moi-même : Que me reste-t-il ? Mais la conscience, à force de me répondre MOI, m’a fait rougir de ma foiblesse, et depuis long-temps je ne suis pas même tenté de me plaindre. C’est là surtout, c’est dans mon observatoire que je trouve des momens délicieux. Tantôt je m’y livre à de sublimes méditations. L’état où elles me conduisent par degrés tient du ravissement. Tantôt j’évoque, innocent magicien, des ombres vénérables qui furent jadis pour moi des divinités terrestres, et que j’invoque aujourd’hui comme des génies tutélaires. Souvent il me semble qu’elles me font signe ; mais lorsque je m’élance vers elles, de charmants souvenirs me rappellent