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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/218

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côté de l’horloge ; oui, je le sais, je sais qu’il est minuit ; je ne le sais que trop. »

C’est, il n’en faut pas douter, par un conseil insidieux de l’esprit malin que les hommes ont chargé cette heure de diviser leurs jours. Renfermés dans leurs habitations, ils dorment ou s’amusent, tandis qu’elle coupe un des fils de leur existence : le lendemain ils se lèvent gaiement, sans se douter le moins du monde qu’ils ont un jour de plus. En vain la voix prophétique de l’airain leur annonce l’approche de l’éternité, en vain elle leur répète tristement chaque heure qui vient de s’écouler : ils n’entendent rien, ou, s’ils entendent, ils ne comprennent pas. Ô minuit !… heure terrible !…

Je ne suis pas superstitieux, mais cette heure m’inspira toujours une espèce de crainte, et j’ai le pressentiment que, si jamais je venais à mourir, ce serait à minuit. Je mourrai donc un jour ! Comment ! je mourrai ? moi qui parle, moi qui me sens et qui me touche, je pourrais mourir ? J’ai quelque peine à le croire : car enfin, que les autres meurent, rien n’est plus naturel ; on voit cela tous les jours, on les voit passer, on s’y habitue ; mais mourir soi-même ! mourir en personne ! c’est un peu fort. Et vous, messieurs, qui prenez ces réflexions pour du galimatias, apprenez que telle est la manière de