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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/219

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penser de tout le monde, et la vôtre vous-même. Personne ne songe qu’il doit mourir. S’il existait une race d’hommes immortels, l’idée de la mort les effrayerait plus que nous.

Il y a là dedans quelque chose que je ne m’explique pas. Comment se fait-il que les hommes, sans cesse agités par l’espérance et par les chimères de l’avenir, s’inquiètent si peu de ce que cet avenir leur offre de certain et d’inévitable ? Ne serait-ce point la nature bienfaisante elle-même qui nous aurait donné cette heureuse insouciance, afin que nous puissions remplir en paix notre destinée ? Je crois, en effet, que l’on peut être fort honnête homme sans ajouter aux maux réels de la vie cette tournure d’esprit qui porte aux réflexions lugubres, et sans se troubler l’imagination par de noirs fantômes. Enfin, je pense qu’il faut se permettre de rire, ou du moins de sourire, toutes les fois que l’occasion innocente s’en présente.

Ainsi finit la méditation que m’avait inspirée l’horloge de Saint-Philippe. Je l’aurais poussée plus loin s’il ne m’était survenu quelque scrupule sur la sévérité de la morale que je venais d’établir. Mais, ne voulant pas approfondir ce doute, je sifflai l’air des Folies d’Espagne[1], qui a la pro-

  1. Air populaire du dix-huitième siècle.