Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps, je m’apercevais que sa perte était inévitable, et tel était son triste sort, que j’étais forcé de la désirer. En la voyant languir et se détruire chaque jour, j’observais avec une joie funeste s’approcher la fin de ses souffrances. Déjà, depuis un mois, sa faiblesse était augmentée ; de fréquents évanouissements menaçaient sa vie d’heure en heure. Un soir (c’était vers le commencement d’août) je la vis si abattue, que je ne voulus pas la quitter : elle était dans son fauteuil, ne pouvant plus supporter le lit depuis quelques jours. Je m’assis moi-même auprès d’elle, et, dans l’obscurité la plus profonde, nous eûmes ensemble notre dernier entretien. Mes larmes ne pouvaient se tarir ; un cruel pressentiment m’agitait. « Pourquoi pleures-tu ? me disait-elle ; pourquoi t’affliger ainsi ? je ne te quitterai pas en mourant, et je serai présente dans tes angoisses. »

Quelques instants après, elle me témoigna le désir d’être transportée hors de la tour, et de faire ses prières dans son bosquet de noisetiers : c’est là qu’elle passait la plus grande partie de la belle saison. « Je veux, disait-elle, mourir en regardant le ciel. » Je ne croyais cependant pas son heure si proche. Je la pris dans mes bras pour l’enlever. « Soutiens-moi seulement, me dit-elle ; j’aurai peut-être encore la force de