Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/259

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marcher. » Je la conduisis lentement jusque dans les noisetiers ; je lui formai un coussin avec des feuilles sèches qu’elle y avait rassemblées elle-même, et, l’ayant couverte d’un voile, afin de la préserver de l’humidité de la nuit, je me plaçai auprès d’elle ; mais elle désira être seule dans sa dernière méditation : je m’éloignai sans la perdre de vue. Je voyais son voile s’élever de temps en temps, et ses mains blanches se diriger vers le ciel. Comme je me rapprochais du bosquet, elle me demanda de l’eau : j’en apportai dans sa coupe ; elle y trempa ses lèvres, mais elle ne put boire. « Je sens ma fin, me dit-elle en détournant la tête ; ma soif sera bientôt étanchée pour toujours. Soutiens-moi, mon frère ; aide ta sœur à franchir ce passage désiré, mais terrible. Soutiens-moi… récite la prière des agonisants. » Ce furent les dernières paroles qu’elle m’adressa. J’appuyai sa tête contre mon sein ; je récitai la prière des agonisants : « Passe à l’éternité ! lui disais-je, ma chère sœur ; délivre-toi de la vie ; laisse cette dépouille dans mes bras ! » Pendant trois heures je la soutins ainsi dans la dernière lutte de la nature ; elle s’éteignit enfin doucement, et son âme se détacha sans effort de la terre.