Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/278

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dernier ressort, et dont les décisions étaient toujours respectées.

Désespérant de faire entendre raison à l’accusé, le major le fît approcher, et, pour mettre au moins les rieurs du côté de la justice, il lui fit les interrogations suivantes : « Si, au lieu de te donner cinq roubles à porter à son créancier, ton camarade t’avait seulement chargé de lui porter le bonjour, ton cheval ne serait-il pas mort tout de même ?

« — Peut-être, répondit le rénitent[1].

« — Et dans ce cas, ajouta le juge, qu’aurais-tu fait du bonjour ? N’aurais-tu pas été forcé de le garder en payement et de t’en contenter ? J’ordonne, en conséquence, que tu rendes l’assignation et que ton camarade te donne le bonjour. »

Lorsque cette sentence fut traduite aux spectateurs, des éclats de rire annoncèrent au loin la sagesse du nouveau Salomon. Le condamné lui-même, après avoir disputé quelque temps, fut obligé de céder, et dit en regardant l’assignation : « Je savais d’avance que je perdrais si ce chien de chrétien s’en mêlait. » Cette singulière confiance dénote l’idée qu’ont ces peuples

  1. Terme vieilli synonyme de récalcitrant