Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/279

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de la supériorité européenne et le sentiment inné de justice qui existe parmi les hommes les plus féroces.

Kascambo avait écrit trois lettres depuis sa détention, sans recevoir aucune réponse : une année s’était écoulée. Le malheureux prisonnier, manquant de linge et de toutes les commodités de la vie, voyait sa santé dépérir, et s’abandonnait au désespoir. Ivan lui-même avait été malade pendant quelque temps. Le sévère Ibrahim, à la grande surprise du major, avait cependant délivré ce jeune homme de ses fers pendant son indisposition, et le laissait encore en liberté. Le major l’interrogeant un jour à ce sujet : « Maître, lui dit Ivan, depuis longtemps je veux vous consulter sur un projet qui m’est venu en tête. Je crois que je ferais bien de me faire mahométan.

« — Tu deviens fou, sans doute ?

« — Non, je ne suis pas fou : il n’y a pour moi que ce moyen de vous être utile. Le prêtre turc m’a dit que, lorsque je serais circoncis, on ne pourra plus me retenir dans les fers : alors je pourrai vous rendre service, vous procurer au moins de la bonne nourriture et du linge ; enfin, qui sait ? quand je serai libre… le Dieu des Russes est grand ! nous verrons…