Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/280

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« — Mais Dieu lui-même t’abandonnera, malheureux, si tu le trahis. »

Kascambo, tout en grondant son domestique, avait de la peine à ne pas rire de son bizarre projet ; mais lorsqu’il vint à le lui défendre formellement : « Maître, lui répondit Ivan, je ne puis plus vous «obéir, et voudrais en vain vous le cacher ; c’est déjà fait ; je suis mahométan depuis le jour où vous m’avez cru malade et où l’on m’a ôté mes fers. Je m’appelle Houessein maintenant. Quel mal y a-t-il ? ne puis-je pas me refaire chrétien quand je voudrai et quand vous serez libre ? Voyez ! déjà je n’ai plus de fers, je puis rompre les vôtres «à la première occasion favorable, et j’ai bon espoir

qu’elle se présentera. » On lui tint, en effet, parole : il ne lut plus enchaîné et jouit dès lors d’une plus grande liberté ; mais cette liberté même faillit lui être funeste. Les principaux auteurs de l’expédition contre Kascambo craignirent bientôt que le nouveau musulman ne désertât. Le long séjour qu’il avait fait parmi eux et l’habitude qu’il avait de leur langue le mettait dans le cas de les connaître tous par leurs noms, et de donner leur signalement à la ligne, s’il y retournait ; ce qui les aurait exposés personnellement à la vengeance des Russes