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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/334

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Un incident qui eut lieu peu de jours après vint encore ranimer son courage, et contribua peut-être à déterminer ses parents. Sa mère, sans être absolument superstitieuse, s’amusait parfois à chercher des pronostics de l’avenir dans les plus petits événements de la vie. Sans croire aux jours malheureux, elle évitait cependant d’entreprendre quelque chose le lundi [1], et n’aimait point à voir renverser la salière. Quelquefois elle prenait la Bible, et, l’ouvrant au hasard, elle cherchait dans la première phrase qui lui tombait sous les yeux quelque chose d’analogue à sa situation et dont elle pût tirer un bon augure. Cette manière de consulte le sort est très-usitée en Russie : lorsque la phrase est insignifiante, on recommence, et en tiraillant un peu le sens on finit par lui donner la tournure qu’on désire. Les malheureux s’attachent à tout, et, sans ajouter beaucoup de foi à ses prédictions, ils éprouvent un certain plaisir lorsqu’elles s’accordent avec leurs espérances.

Lopouloff était dans l’usage de lire le soir un chapitre de la Bible à sa famille : il expliquait aux

  1. En Russie, le lundi passe pour un jour malheureux parmi le peuple et les personnes superstitieuses. La répugnance pour entreprendre quelque chose, mais surtout un voyage le lundi, est si universelle, que le très-petit nombre de personnes qui ne la partagent pas s’y soumettent par égard pour l’opinion générale et presque religieuse des Russes.