Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/365

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rendent plus extraordinaire encore l’essor généreux de son âme. Quoi qu’il en soit, Prascovie, occupée en Sibérie des travaux domestiques, avait absolument oublié le peu de lecture qu’elle avait apprise dans sa première enfance. Elle se mit à l’étude avec toute l’ardeur et la force de son caractère, et fut en quelques mois en état de comprendre un livre de prières que lui avaient, donné ses protectrices : l’on était souvent obligé de l’arracher à cette occupation. Le plaisir qu’elle éprouvait, en trouvant dans ces prières les sentiments naturels de son cœur développés et exprimés d’une manière si claire et si touchante, lui faisait désirer vivement l’instruction. « Combien les gens du monde sont heureux ! disait-elle ; comme ils doivent prier Dieu de bon cœur, étant si bien instruits de leur religion, avec tant de moyens d’exprimer leur dévotion, et tant de sujets de reconnaissance envers la Providence pour les faveurs dont elle les a comblés ! »

Madame Milin souriait à ces réflexions de la jeune fille ; mais elle pensait que rien ne devait être impossible à une piété si vraie, à des prières si ardentes. Cette pensée persuada, plus que toute autre chose, les deux charitables dames qu’il fallait la favoriser dans ses projets, et l’abandonner à la Providence, qui semblait la protéger si visiblement.