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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/185

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DEUX AMIES

Elle avait besoin de parler de son amie et n’éprouvait contre elle aucune colère. Plutôt étonnée que fâchée, elle ne pensait qu’à cette passion folle qui la flattait secrètement, qu’à ces baisers qui lui avaient révélé comme un monde nouveau, qui aussi emportés, aussi brûlants qu’une caresse d’homme se doublaient de la subtilité pénétrante, de la douceur extrême, de la science des sensations qu’ont des lèvres de femme. Ce souvenir l’affaiblissait, la tourmentait comme le travail d’un poison lent.

Elle se revoyait malgré elle dans les bras de Mlle Moïnoff, fermant les yeux, s’abandonnant, perdant la tête, gagnée par un frisson voluptueux qui chatouillait sa chair et s’enfonçait dans sa nuque comme une piqûre endormante. Eva semblait tant l’aimer, tant la désirer ! Il y avait dans le rayonnement de ses prunelles humides une telle béatitude qu’elle n’aurait pas eu — elle se l’avouait bien tout bas — la force et l’inclémence de la repousser, de lui faire de la peine.

Alors c’eût été excusable comme la griserie d’une coupe de champagne qui force à com-