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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/252

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LES PARISIENNES

en sentant l’odeur exquise des fourrures et les battements du cœur, et les lèvres qui se tendent dans l’ombre, un rire gamin qui les met tout de suite à l’aise, qui leur souffle des bêtises. Et Suzette renverse sa jolie tête sur l’épaule de Mme de Tillenay.

— Vous ne m’embrassez pas, vilaine ?

Et l’on ne dit plus rien, l’on se bécote bien lentement, bien savamment, comme si l’on se versait entre les dents, goutte à goutte, une subtile liqueur d’amour. Cela ne claque pas, cela ne fait aucun bruit dans le coupé où filtre le vacillement des lumières extérieures. Seulement un tout léger clapotement comme lorsqu’une chatte boit du lait de sa langue effilée.

Et Suzette s’enfonce dans les coussins de peluche comme étourdie et interrompt le baiser de son rire :

— Dis donc, qui est-ce qui t’a appris à embrasser si bien ? Tu m’as donné une faim, une faim…

— Vrai ? dit Mme de Tillenay qui est grise aussi et voudrait recommencer insatiablement.

Elles bavardent sans savoir ce qu’elles disent.