Aller au contenu

Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
DEUX AMIES

personne ne les dérangeait, ne les importunait dans la chambre tendue de perse fleurie où le lit d’Eva avait une blancheur chaste. Elles s’y enfermaient comme en un paradis, dédaignant les promenades au Bois, les distractions de toute espèce qu’on leur offrait.

Eva avait pour son amie des attentions galantes d’amant qui reçoit chez lui sa maîtresse. Des bouquets dans les vases et toujours une dînette de gourmandes qu’elles croquaient à belles dents. Elle s’asseyait aux pieds de Jeanne, posait sa tête sur les genoux grêles de l’enfant et la questionnait, lui faisait raconter par le menu les moindres potins du couvent.

— Avez-vous été bien sage, mademoiselle ? disait-elle, dissimulant sous ces intonations légères de moquerie une sourde et réelle inquiétude.

— Fi, la vilaine ! répliquait Mlle de Luxille. On l’aime, et plus on l’aime, plus elle se plaint. Vous mériteriez vraiment…

— Tais-toi, tais-toi, interrompait Eva avec une fougue enfiévrée, et elle l’attirait vers elle, elle collait sa bouche dans les cheveux follets