Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/11

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Ainsi ces grands mots autoritaires « le Roi des Anges et des Hommes », s’adoucissent parfois pour Augustin. Ils lui font signe qu’ils ont quelque chose à lui montrer. On dirait qu’ils se fendent en deux et qu’ils s’ouvrent. De leur milieu, monte une fumée subtile qui s’en va composer très haut dans l’air, plus haut que la région des cloches, une image d’or et de bleu, un vague tableau de coloris tendres, où l’on voit, tortueuse et débonnaire, couler d’un vieux visage rosé la barbe blanche d’un Roi.

D’autres fois, certains dimanches spéciaux, l’église se remplit de fleurs, de branches vertes et de grandes jeunes filles en blanc. L’une d’elles, un jour, lui a parlé, essayant en vain, à force de grâce et de sourires, d’élever la timidité du petit garçon jusqu’à sa jeunesse à elle, inconcevablement radieuse. Maman s’est excusée pour lui, en des termes qui ont décuplé cette timidité… « Oh ! le petit sauvage qui ne veut pas dire bonjour à Mlle de Préfailles ! » Vers l’autel de la Vierge, dans une chapelle féminine et pleine de roses, les demoiselles en blanc se sont rassemblées autour d’un harmonium. Deux vers de leur cantique suscitent une émotion profonde dont ils ne révèlent que des causes douteuses :

Je voudrais te suivre, ô ma Mère
Marie, emmène-moi…

« Te suivre, ô ma Mère » veut dire sans doute : « te suivre à l’endroit où se trouve ma Mère ». Marie est le nom de la bonne qui tient le petit garçon par la main et que celui-ci supplie en vain. On est contre la balustrade d’une tombe bien entretenue, dorée par le soleil d’onze heures, pleine de fleurs mauves et roses. Le mot « suivre », chanté par des voix éperdues, semble tendu et porté vers le ciel sur de belles mains plaintives. Tout défaille de mélancolie inexaucée, languissante et heureuse.

Trois coups de clochette. Un brouhaha. Un grand silence. Le vent de l’Élévation souffle sur ces peintures. Nouveau bruit de chaises, une tambourinade de coups de marteau