Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/145

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pide, équilibrée comme un tableau, une autre partie de l’indifférent été.

— Voulez-vous m’excuser auprès de Mme Desgrès qui doit avoir beaucoup de monde ? dit au jeune homme gras M. Méridier, dont la brusque décision de timide imitait l’audace.

— Non ! non ! confirma-t-il de ce ton presque fébrile qu’Augustin connaissait bien. Restez ! je vous en prie ! je vous en prie !

Et ils s’enfuirent tous les deux par le sonore corridor qui sentait l’encaustique et la boiserie de chêne.

Pendant que ce mécanisme mondain repoussait M. Méridier avec une force inconsciente de son propre exercice, Augustin réentendait la voix lente, ironique et dorée : « Comme vous seriez aimable de ne pas nous quitter avant le thé ! » L’idée qu’il eût pu la revoir autour d’une table à thé lui étreignit le cœur d’un brusque regret déchirant, mais qui fut court. La caresse du fantôme se dissipa dans le grand air.

Ainsi il logeait dans son cœur toutes les contradictoires : l’attrait du renoncement total, du « donne-moi tout », et aussi l’amour des siens, le désir de ne pas les quitter, de les aider tendrement, et les plus beaux appels de la passion et de la chimère, un goût double, de vie terne et d’éclat… Le débouché sur le parc le surprit en pleine fureur contre lui-même.

C’était une avenue plus courte et plus parée, aux grâces florales admirables. Elle fut, pour Augustin, privée de sens, aussi inertement vide que dans l’étonnement d’un grand deuil. Il n’y verrait plus, de fort longtemps sans doute, celle qui en fut pendant cinq minutes le centre et l’apothéose. Puis il se dit que toutes ces choses étaient le type même des idées obsédantes, qu’elles passeraient, qu’elles mettraient un certain temps à passer.

— Elle est aussi charmante qu’autrefois, monologuait M. Méridier, quand elle accompagnait de ses taquineries les leçons de français que je donnais à son frère. C’était