Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/148

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indiquait des emplacements sociaux tellement hauts désormais…

— Tu vas être interne pour la première fois, mon Tintin, continuait sa mère.

Augustin fit un geste pour rejeter cette considération parmi celles qui ne comptaient pas, qui n’influaient pas sur la manière dont on devait utiliser Kant pour l’apologétique.

Mais Mme Méridier nourrissait des arrière-pensées :

— Je voudrais tant, fit-elle, connaître l’aumônier !

— Il sera certainement très distingué. On réserve ces postes aux prêtres les plus… intellectuels (M. Méridier détacha le mot) du clergé de Paris.

Cependant, si la « distinction » d’un prêtre allait de soi pour Mme Méridier, si elle n’en doutait pas plus que de son « intellectualité », ces qualités n’offraient qu’utilisations secondaires, comme des vins fins qu’on ne boit jamais. Dévoué, humble, pieux, zélé, mortifié, de bon conseil, voilà ce qu’elle attendait d’un prêtre, ce qui lui allait comme les étoiles à la nuit, et le soleil au jour.

Elle regarda son fils avec une candeur anxieuse, complexe et tendre. Augustin se mit à rire.

— Mais oui, maman, fit-il sans qu’elle lui demandât rien. J’irai le voir dès la première semaine.

— C’est singulier. Je n’ai pas l’impression que tu nous quittes, tant je cesserai peu d’être avec toi. Deux heures après, Augustin se retournait encore dans son lit, sans pouvoir dormir. « Je devrais sentir un bonheur immense, et je n’éprouve rien, qu’un sentiment presque déchirant de ce qui va finir… »

Sa fenêtre était ouverte toute grande sur l’impassible nuit d’été.