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bensohn, parti en vacances dès le baccalauréat et que la petite préfecture ne devait plus revoir. Augustin lui écrivit en même temps ses effusions, sa gratitude. La réponse parvint d’une ville d’Allemagne, universitaire et médiévale, ce qui fit luire sur ce bonheur un peu d’exotisme, un petit reflet du vaste monde.

C’était la vraie fin de l’adolescence. Quelque chose de fléchissant et de terminal, malgré l’assertion inverse du calendrier, figurait aussi dans la substance de l’été. Tout le monde était fatigué de ces dix mois de tension mentale et morale, mais cela ne rendait pas compte de cette inattendue mélancolie, mêlée à l’élation qui gonflait Augustin. Son père, gardé à l’attache jusqu’aux prix, écrasé par quarante semaines de servage, connut une dernière classe respectueuse et presque intimidée, qu’il dépeignit à mots plaisants.

Ils se trouvaient tous les deux dans la chambre-bureau, où tant de choses se tenaient avec eux. Le rayonnage de bois blanc, chargé de livres brochés et de cartonnages scolaires, les statues grecques, le paquet de notes sur saint François de Sales, la thèse latine, tout avait pris la même teinte de finalité et d’adieu. Encore Augustin ne devinait-il pas toute la largeur de la fissure : le prochain départ de son fils et la solitude du pauvre homme avaient frappé la thèse à mort.

Mme Méridier fut longue à embrasser l’ampleur des nouveaux destins. Le prix lui sembla un livre un peu plus volumineux et doré, tenant plus de place dans les placards. Semblable à ces âmes simples qu’une perte de trente mille francs laisse calmes, mais qu’un billet de cent francs égaré désespère, elle dit, quand on eut desservi la table du soir :

— Mais j’aurai à peine le temps de m’occuper des chemises d’Augustin et de ses flanelles !

— Oh ! fit le père, une bonne partie du trousseau est sans doute comprise dans la bourse. D’ailleurs, je vais écrire.

Et la nuance de protection qui imprégnait son sourire,