Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/169

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tiffol. Ils n’avaient pas d’autre indication sur la manière dont ces sujets, radicalement nouveaux pour eux, étaient dominés par le vieux savant, que la simplicité extrême d’un « exposé, où ne restait aucune obscurité, aucune allusion inexpliquée.

Dès que la porte jaune s’ouvrait, au coup de sonnette longuement tremblant de petite épicerie rurale, l’air s’emplissait d’une odeur de vaisselle et de chou-fleur, soupçonnée dès le palier. La première partie du parfum attestait les occupations de la bonne et la seconde les goûts culinaires qu’elle imposait à l’aumônier. Ce mélange n’accompagnait pas la leçon d’un bout à l’autre. Il filait, avec tact, à l’anglaise, après le premier quart d’heure de familiarité. En revanche, le tapage des assiettes déplacées et replacées, l’ouverture et la fermeture des meubles, le glissement sifflant du balai persistaient derrière le mince briquetage, traversaient les paroles de l’abbé : haute prière parmi des bruits de frères convers. Bien qu’il s’exagérât la poésie de la femme d’ouvrage, Augustin goûtait cette mystique compartimentée.

La leçon terminée, le vieil homme récitait le Salve Regina, les yeux fermés, ses deux mains jointes réunissant leurs os minimes. Augustin ne se rassasiait pas de cette figure pâle et sereine, que de rares cheveux couvraient d’une sorte de mousse grise, intermédiaire entre la calvitie et la chevelure. En comparaison de cette heure, une bonne part du travail quotidien paraissait d’essence inférieure et de catégorie seconde, zone de vins moins fins autour d’un cru célèbre.

En majorité, les élèves se montraient, au point de vue religieux, assez sobres de renseignements sur eux, à part certains cas extrêmes trahis par des débordements verbaux. Augustin mangeait à la même table que Christiani. On servit un vendredi des haricots et des merlans. Comme Christiani criait : « ce boulot de sale clérical », ou quelque exclamation de la sorte, Augustin, interpellé, dit que c’était une opinion religieuse de type salivaire, et comme