Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
AUGUSTIN OU LE MAITRE EST LA

garde, car elles n’étaient que le rite de sa politesse. Elles se changèrent en un air de satisfaction hébétée lorsqu’un petit verre eut rejoint le café.

Ils employaient ces mots qui ôtent aux non-initiés toute possibilité de comprendre. Les femmes pinçaient la bouche, affectaient d’autres occupations et détournaient les yeux. La cousine Noëlle se mit à chercher dans le buffet, pour avoir l’air plus absente, des choses vagues, qu’elle ne trouvait pas.

— Ha ! nous faut sortir, dit le cousin Jules, comme si la matière réclamait à la fois du plein air et un plus strict secret. On parlera en route. On verra où en sont les regains.

Augustin exprima le désir de se joindre à eux, s’il n’embarrassait pas.

— Tu râtelleras, fit le cousin, bonhomme. On n’est jamais trop pour travailler.

Le nouveau venu conduisait sa jument à la main, dans des chemins labourés d’ornières, semés de pierraille, coupés par l’eau coulant des rigoles. Aucun des hommes ne semblait remarquer l’état de ces chemins.

— Enfin, demandait Jules, quand est-ce que le vieux Thomassin vous la prendrait ?

— Il la prendra quand je la lui donnerai.

— Alors, donnez-la-lui.

— Donnez-la-lui ! donnez-la-lui ! Il n’aura pas pour quarante-cinq mille francs la montagne de Serrehaut, pour le sûr. Elle vaut le double.

— Elle vaut pas le double, dit le cousin conciliant. Mais enfin, quarante-cinq mille, c’est pas beaucoup.

— Elle vaut le double, fit le vieux, d’un entêtement buté et sentimental.

L’après-midi restait, comme la veille, limpide et chaud. De furieuses mouches se fixaient sur les bras, et piquaient à travers la laine. On les tuait sur place, sans leur faire lâcher prise. Les arbres des haies coupaient les chemins de ferme en compartiments de soleil et d’ombre et la chaleur paraissait fixée pour un nombre indéfini de jours.