Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hors la plus haute, qu’elle déclinait. Elle ne disait même pas au cœur, comme devant une porte : « Après vous, je vous prie. » Elle ne discutait pas son droit d’entrer, mais se refusait à l’y suivre.

En fait de jugements carrés, parquant les dogmes dans le compartiment des vérités ou celui des mensonges, l’Université se permettait seulement ceux qu’avaient au préalable formulés les classiques des deux camps : Pascal ou Bossuet ; ou bien Bayle, Voltaire, Diderot ou Renan. Elle ne se croyait pas juge du fond. Elle ne prenait rien à son compte. Vues ainsi par leur image dans le miroir de l’histoire, les appréciations en matière de foi redevenaient possibles. Elles ressemblaient à ces gentilshommes des romans Louis XIII dont le tailleur, trop respectueux pour prendre les mesures directement sur leur noble corps, les levait par reflet dans une glace de pied.

Ainsi véhiculé avec déférence au long des exposés, entre deux cupules imperméables, le surnaturel s’avalait dans la documentation, s’expulsait avec les conclusions, intact, neutre, indéfiniment récupérable, puisqu’il ne servait jamais.

Augustin n’avait cure de cette sorte de respect. On ne devait pas trouver dans une même demeure spirituelle deux chambres sans communication entre elles, l’une habitée par l’intelligence et l’autre par la Foi. Des correspondances, des attraits de pensée, mille préfigurations rationnelles au sein même du sensible criaient vers Dieu. Les motifs lourds, puissants et ramifiés où s’enveloppait toute son âme liaient bien aussi de quelque manière son intelligence. Comment trouver cette manière ? Il savait qu’il ne savait pas, comme disait son père, mais qu’il lui faudrait bien savoir un jour.

Un jour très proche. Peut-être huit mois, dix mois de calendrier, le temps de mordre largement sur la philosophie. Il avait des raisons d’avoir hâte.

Amplepuis l’assurait que le devoir, plus tard, prendrait pour lui la forme de ce qu’il appelait les luttes d’idées.