Il aurait charge d’apologétique. D’autres âmes dépendraient de la sienne. Comme saint Paul avait osé dire : « J’achève en moi ce qui manque à la Passion du Christ », de même le chrétien d’œuvres complète l’action de Dieu. Suivaient, baignées d’eau de Botot, les exhortations à terminologie militaire, telles que : « mener le bon combat », ou même : « remporter la palme du vainqueur ». L’abbé professait la plus complète indifférence pour l’âge des métaphores que son insouci de beauté verbale juxtaposait aux méditations les plus riches de catholicisme actuel et millénaire.
Il avait l’air de trouver le plus simple du monde cet ajustement de l’intelligence à l’apologétique. Mais Augustin voyait circuler dans sa classe M. Bougaud, rose, gaillard, précocement gras, l’œil vif et même allumé, la barbe cordiale, une mince pellicule de vulgarité sur son intelligence nette et nourrie. Il l’écoutait parler de Pascal et de Port-Royal au sortir de son déjeuner, dans l’odeur de café qu’il secouait encore. Il voyait que les choses religieuses se discutaient comme les autres, comme n’importe quel état de sensibilité, comme tout fait d’histoire. Qu’on eût le soin (M. Bougaud le prenait avec un ostensible scrupule) de placer toute recherche sur leur nature dernière en réserve sur de hauts rayons d’étagère, à l’abri des mains d’enfants, cela ne lui faisait pas croire qu’elles le fussent aussi des mains d’hommes.
Assis au premier des huit bancs, en face de la carte d’Europe aux traités de Westphalie, où s’encastrait la tête de M. Bougaud, il arrivait à Augustin de deviner, blottie au creux du fameux libéralisme et riant dans ses plis, quelque ironique tolérance des choses dont il sentait avec une soudaine violence combien elles lui étaient chères.
Une réaction intérieure immédiate le durcissait alors, le faisait aigu et hostile, lui découvrait parfois le point faible où fleurissaient, fleurs de papier, les ingéniosités inexactes dont M. Bougaud n’était pas exempt. Plus souvent elle le laissait en proie au vain désir des réfutations écrasantes