Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/96

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— La mère Rambaud a failli être tuée.

C’était une bonne femme, dentellière au carreau, qui faisait leur ménage pendant la semaine que la grosse Catherine passait tous les ans dans ses montagnes. Tous l’aimaient beaucoup.

Comme ils se taisaient en leur stupeur :

— Par son mari, le père Rambaud, rentré ivre, comme toujours. Il a crié : « Je veux que tu me fasses cuire des saucisses, comme les bourgeois. » — J’ai voulu le raisonner bien doucement, dit la mère Rambaud : « C’est le Vendredi Saint. Tu en auras pour le Dimanche de Pâques. » Il me bourrait de coups de poing et de coups de pied. Il a crié à Francine : « Va me chercher les saucisses. » Ce qui m’inquiétait, c’était ce couteau, juste sous sa main. J’ai dit tout de même : « La Francine peut pas aller chercher des saucisses le Vendredi Saint. » Il m’a traversé le gras du bras, qu’heureusement j’avais eu le temps de lever. Ça me gênera bien pour les ménages et pour les dentelles.

— La malheureuse, continuait Mme Méridier, s’est soignée toute seule. C’est Francine qui est venue me chercher.

— Pourquoi n’est-elle pas allée à l’hôpital ?

— Elle a songé que ça ferait des histoires… Les « Docks du Centre » mettraient le père Rambaud à la porte, peut-être pis. (Les « Docks » l’employaient comme cocher-livreur.) Le médecin, que j’ai prié de passer, dit qu’elle en a pour un mois.

Comme ils montaient l’escalier, M. Méridier demanda :

— Dirons-nous avec Pascal : « Je ne crois que les témoins qui se feraient égorger ? »