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Page:Malatesta - Anarchy ; Morton - Is it all a dream, 1900.djvu/26

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pour ne pas risquer de faire disparaître une espèce aussi intéressante, ils ne touchent pas aux endroits où se fait la reproduction, afin de lui donner le temps de se faire. Et de fait, les paysans français ont une confiance très limitée en ces louvetiers et les considèrent plutôt comme des gardiens des loups dont ils assurent la conservation de l’espèce. Ce qui se comprend très bien : que feraient les « lieutenants de louveterie » s’il n’y avait plus de loups ?

Le gouvernement, c’est un certain nombre de personnes chargées de faire les lois et habilitées à se servir de la force de tous pour obliger chacun à les respecter : il constitue déjà, de ce fait, une classe privilégiée et séparée du peuple. Comme tout corps constitué, il cherchera instinctivement à élargir ses attributions, à se soustraire au contrôle du peuple, à imposer ses propres tendances et à faire prédominer ses propres intérêts particuliers. Placé dans une situation privilégiée, le gouvernement se trouve déjà en antagonisme avec la masse, dont il détourne la force pour en disposer.

D’ailleurs, même s’il le voulait, un gouvernement ne pourrait pas contenter tout le monde, à supposer qu’il arrive à en contenter quelques-uns. Il lui faudrait se défendre contre les mécontents et donc co-intéresser une partie du peuple pour en obtenir l’appui. Et ce serait à nouveau la vieille histoire de la classe privilégiée qui se constitue avec la complicité du gouvernement et qui, cette fois, ne s’emparerait pas de la terre mais accaparerait sans aucun doute des situations de faveur, tout spécialement créées pour elle, et qui n’oppresserait et n’exploiterait pas moins que la classe capitaliste.

Habitués comme ils le sont à commander, les gouvernants entendraient bien ne pas retourner à l’anonymat de la foule et au cas où ils ne pourraient pas garder le pouvoir en mains propres, ils s’assureraient au moins des positions privilégiées en prévision du moment où il leur faudrait le faire passer en d’autres mains. Ils utiliseraient tous les moyens dont dispose le pouvoir pour que ce soient leurs amis à eux qui soient élus pour leur succéder, afin d’être appuyés et protégés par eux, à leur tour. Ainsi le gouvernement passerait et repasserait dans les mêmes mains et la démocratie, ou prétendu gouvernement de tous, finirait comme toujours en oligarchie, gouvernement d’un petit nombre, gouvernement d’une classe.