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faire tourner au profit d’une certaine classe et en arrêter les progrès par des règlements inutiles et vexatoires. Par exemple, ces messieurs s’occupent des chemins de fer ; mais qu’a-t-on besoin d’eux là-dedans ? Les ingénieurs, les mécaniciens, les ouvriers de toutes les catégories ne suffisent-ils pas et les locomotives ne marcheront-elles plus quand les ministres, les députés, les actionnaires et autres parasites auront disparu ?

Il en est de même pour la poste, les télégraphes, la navigation, l’instruction publique, les hôpitaux, toutes choses qui sont faites par des travailleurs de diverses catégories et dans lesquelles le gouvernement n’intervient que pour mal faire.

La politique, en effet, comme l’entendent les gens du gouvernement, est un art difficile pour nous, parce qu’en réalité, elle n’a rien à voir avec les intérêts réels des populations. Si, au contraire, elle avait pour but de satisfaire les vrais besoins du peuple, alors elle serait une chose plus difficile pour un député que pour nous. En effet, que voulez-vous que sachent des députés qui résident à Paris, touchant les besoins de toutes les communes de France ? Comment voulez-vous que ces gens qui, en général, ont perdu leur temps à étudier le grec et le latin, qu’ils ne savent du reste pas, puissent connaître les intérêts des différents corps de métiers ? Les choses iraient autrement si chacun s’occupait des choses qu’il sait et des besoins qu’il constate par lui-même.

La révolution une fois faite, il faudra procéder de bas en haut, pour ainsi dire. Le peuple est divisé en communes, et, dans chaque commune, il y a divers corps de métiers qui, immédiatement, par l’effet de l’enthousiasme et sous l’impulsion de notre propagande, se constitueront en associations. Or, qui s’entend mieux que vous aux intérêts de votre commune et de votre métier ?

Quand, ensuite, il s’agira de mettre d’accord plusieurs communes et plusieurs corps de métiers, les délégués respectifs porteront dans les assemblées spéciales les vœux de leurs mandants et chercheront à concilier les besoins et les désirs divers. Les délibérations seront toujours soumises au contrôle et à l’approbation des mandants, de manière que les intérêts du peuple ne seront pas négligés. Et ainsi, de proche en proche, on procédera à la conciliation du genre humain.

Jacques. — Mais si, dans un pays ou dans une association, il y en a qui sont d’un avis différent de celui des autres, comment fera-t-on ? Ce sont bien les plus nombreux qui auront le dessus, n’est-il pas vrai ?

Pierre. — En droit, non, parce que, en regard de la vérité et de la justice, le nombre ne doit compter pour rien et qu’un seul peut avoir raison contre cent, contre cent mille, contre tous. En pratique, on fait comme on peut. Si l’unanimité n’est pas obtenue, ceux qui sont d’accord et qui constituent la majorité agissent conformément à leur idée, dans les limites de leur groupe, et si l’expérience leur donne raison, nul doute qu’ils ne soient imités. Sinon, la preuve est faite en faveur de la minorité et l’on agit en conséquence. Ainsi sera maintenue l’inviolabilité des prin-