Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/131

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batche, gueuletonner avec le chef du poste, le docteur prenait place dans l’embarcation. Mais une fois arrivé, il se gardait bien d’inspecter l’état sanitaire des soldats : vraiment, il avait en tête d’autres soucis ! collectionneur enragé, il ne pouvait apercevoir un casse-tête ou un coquillage sans faire main basse dessus. Le reste de son temps était noblement consacré à boire. Un pauvre troupier tombait-il malade, le médicastre le traitait par télégramme, à trente-cinq kilomètres de distance, et, se trouvant lui-même fort bien de ses libations multipliées, en prescrivait de semblables à ses patients qui ne tardaient pas à rendre l’âme. Le grog au tafia et le vin chaud formaient toute la pharmacopée de cet aimable docteur.

Le poste militaire, enclavé entre deux ruisseaux, la mer et les montagnes de l’intérieur, comprenait une réduction de caserne, un jardin potager et une salle de police, détachée, bordant la route d’Oubatche au Diahot ; à mi-côte, deux cases habitées par les sous-officiers et, sur un plateau élevé, une habitation maçonnée avec vérandah pour le commandant. Dominant encore cette dernière, se trouvait le bureau télégraphique, réduit d’un peu moins de quatre mètres carrés, aux murs de pierre, extrêmement épais et blanchis à la chaux. Le toit était de paille sans quoi, on eût pu y soutenir un véritable siège. Deux gourbis voisins servaient l’un de cuisine, l’autre de domicile au facteur indigène fourni par la tribu catholique de Pouébo.

J’ai parlé d’une famille anglaise. Monsieur et madame Henry jouissaient dans toute la colonie d’une réputation bien méritée d’hospitalité. Aucun voyageur, fût-il forçat libéré, et ceci est à leur honneur, ne s’adressa