Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/136

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péen. Au physique, c’était un assez gros homme jaunâtre, capable de feindre la bonhomie et qui vous eût coupé en petits morceaux avec un plaisir immense. Il savait sourire, mais son sourire était cruel. Madame Henry l’appelait un « turn coat », expression anglaise équivalente à « retourneur de veste ».

Mouaou, chef d’Yambé, sur la route d’Oubatche à Hienghène, offrait l’aspect d’un chat-tigre prêt à bondir. Il était cependant atteint d’éléphantiasis, ce qui ne semblait guère le gêner pour venir rôder autour du poste, mendiant un « chiqua » un verre de tafia ou un « dix sous ». Comme Douima, il cherchait à contraindre sa physionomie féroce, ce à quoi il réussissait moins bien que son confrère ; ses prières semblaient rouler des menaces : on le sentait brûlant de vous sauter à la gorge et de vous déchirer à belles dents.

Ces aimables pasteurs de peuples vinrent me visiter ou plutôt visiter mes appareils dont le maniement les intriguait : leurs sujets suivirent. Pendant des semaines, une foule de Canaques, entrant dans mon domicile à la queue leu-leu, vinrent manifester bruyamment leur admiration : « Tamé ! Kalô ! » (Viens ! regarde !) — « Boîma ! lio ! » (Oh ! que c’est beau !)— « Dalaen ! » (Que c’est superbe ! — littéralement : « que c’est blanc ! ») telles étaient les exclamations que leur arrachait la surprise.

Je ne voudrais pas oublier un autre chef, Malakiné, dont l’autorité s’étendait sur la tribu de Diahoué, à trois lieues au sud du poste. C’était un charmant homme, hospitalier, aimable sans bassesse et qui faillit me faire égorger avec mes parents, pendant l’insurrection de 1878. J’aurais tort de lui en conserver rancune,