Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/154

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vorer la voile, puis le mât, puis, las d’attendre toujours en vain, le gouvernail et, finalement l’embarcation. Il venait à peine de ronger le dernier morceau, lorsque les deux oiseaux parurent, tenant dans leur bec les poissons qu’ils avaient attrapés. — « Eh bien, cria la poule sultane, nous avons fait bonne pêche, mais où est ta pirogue ? » « — Hélas ! répondit le rat, ne vous voyant pas revenir et ayant faim, je l’ai mangée. » « Comment ! s’exclama le goëland avec colère, nous travaillons à te construire une embarcation et tu la dévores ! Tant pis pour toi ! Puisque tu es ici, restes-y ! » Et, n’écoutant que leur indignation, les oiseaux s’envolèrent, laissant le rat se désoler, crier et pleurer.

Déjà, la marée commençait à remonter. « Je suis perdu, » se disait tristement l’abandonné. Avisant un caillou qui était encore à sec, il y sauta au moment où la mer commençait à gagner sa place : « Hélas ! murmurait-il, tout à l’heure l’eau m’atteindra et il faudra bien que je meure ! »

Comme il était en train de se lamenter, un poulpe passa et l’aperçut ; « Que fais-tu là, petit ? » lui demanda-t-il ? — « J’attends la mort, répondit le rat ; le goëland et la poule sultane m’ont abandonné. » Et il raconta son histoire. « Ah ! ah ! fit le poulpe qui était une bonne créature, te voilà dans une vilaine situation, mais je vais t’en tirer. Saute sur mon dos et, quoique je n’aille pas très vite, je te conduirai quand même à terre. » Le rongeur, tout joyeux, sauta sur la tête de l’animal complaisant. Celui-ci, en effet, ne nageait guère rapidement ; toutefois, on s’approchait de la terre et, enfin, on n’en fut plus qu’à une courte distance.

Le rat, échappé à la mort, ne se sentait plus d’aise :