Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/171

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de tribu à tribu, un signe d’échange. Qu’on se représente un collier de simili-perles blanches qui n’étaient autres que les pointes nacrées de certains coquillages, détachées avec beaucoup de travail et enfilées à la suite les unes des autres. Avant l’introduction des dix sous, des francs et du dollar, cette monnaie, dont la valeur se mesurait à la longueur, était fort prisée sur le littoral : avec elle, on pouvait acquérir une pirogue, un cochon, une popiné même, la femme, chez les primitifs comme chez les civilisés, n’a-t-elle pas toujours été une marchandise ?

Mon premier mouvement fut de décliner la proposition de Hook : à quoi bon revoir sans cesse le même spectacle ? On se lasse de tout, même d’entendre des démons hurler en agitant frénétiquement leurs armes. — « Vous avez tort de refuser, me dit mon ami, il ne s’agit pas d’un pilou vulgaire. Vous savez que celui-ci est donné par les Oébias, ces farouches rois de la montagne, pour célébrer le retour de leur chef, de Koïma, après un traitement de deux mois à l’hôpital de Nouméa ; dans leur enthousiasme, ils sont capables de manger l’un d’entre eux : c’est chose à voir. »

En effet, le grand chef souffrant d’un éléphantiasis invétéré, avait obtenu la faveur de se faire médicamenter par ses anciens ennemis. Heureusement pour lui, il fut non livré au docteur Caillot, mais dirigé sur l’hôpital de Nouméa. Pendant son absence, ses sujets conçurent bien des inquiétudes, craignant que les Français ne prissent sur l’auguste malade une revanche des quatre soldats et du caporal jadis dévorés. Si le nouveau gouverneur Olry, qui venait de remplacer de Pritzbüer, avait voulu goûter d’une cuisse oébia ! Dans la perplexité générale, Dioman, frère du malade, se fendit d’un télégramme que lui rédi-