Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/175

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vinrent, enfin prendre place les musiciens, quatre individus armés chacun de deux palettes d’écorce creuses à l’intérieur qui, frappées l’une contre l’autre, résonnaient comme des tambours : un cercle se forma et le pilou commença.

Nous nous étions mêlés aux danseurs : je vis arriver Pinson, fièrement drapé et brandissant une sagaïe. Lentement, nous tournâmes autour du poteau, tandis que les tambourineurs, joignant la musique vocale à la musique instrumentale, entonnaient une complainte lente et mélancolique, qui me rappelait en plus sauvage celle de Fualdès. Peu à peu, la scène s’anima, les chants s’élevèrent, tous les assistants en répétaient le refrain ; les rires et les plaisanteries s’échangeaient en groupes. Nous passions de la marche cadencée, durant laquelle je frappais la terre de mon bambou sonore, au pas de course de guerriers qui préparent leur élan sur l’ennemi et réciproquement du pas de course à la marche. Les femmes parurent, sur une seule ligne d’abord ; parmi elles, je cherchai du regard et reconnus Hook qui, toujours avec la vieille Marie, imitait la popiné à s’y méprendre. On s’y méprenait si bien, qu’un peu plus tard, les deux sexes s’étant insensiblement mêlés, je commençai en toute bonne foi, à jouer amoureusement du coude avec une grande diablesse aux manières délurées, dont un flot de danseurs me sépara, et que j’appris le lendemain… ô ciel ! être mon ami.

Comme maintes fêtes sacrées de l’antiquité, les pilous, non les parodies grotesques que, pour un peu de tabac, exécutent aujourd’hui devant l’Européen gouailleur les Canaques dégénérés, mais les grands pilous, réunissant parfois cinq mille assistants, et dont j’ai pu voir les der-