Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/186

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des lueurs inquiétantes. Je lève le chien de mon fusil, bien décidé, malgré toutes mes sympathies pour les insurgés, à me défendre à outrance s’il plaît à ceux-ci de se payer du rumpsteak sur ma personne.

C’est la première fois que je vais être engagé dans un vrai combat pour mon compte. La mise en scène n’a rien d’encourageant : les ténèbres et des ennemis invisibles, disposés à ne faire aucun quartier.

Justement, ils sont bien là, car, au poste, éclate une fusillade nourrie : on les a donc aperçus ; il va falloir en découdre !

Je regarde mon arme : malédiction ! la capsule a faussé compagnie, je n’ai plus en mains qu’un manche à balai. Et comme je le brandis avec indignation, voici la platine qui s’échappe du bois et tombe à terre.

Tous les bonheurs ! Et le feu roulant des soldats continue dans ma direction : il ne me manquerait plus que d’être tué par une balle intelligente !

Dans les temps reculés, une escouade de forçats avait creusé le long de la route un large fossé servant à l’écoulement des pluies. Je m’y précipitai comme dans une tranchée et, le dos courbé, le pas rapide, arrivai à l’entrée du poste.

« Halte-là ! Qui vive ? » Et j’entends le factionnaire armer son fusil.

— Télégraphe !

Les soldats ébahis, mes parents qui, désespérés, me cherchaient partout, m’entourent, ne comprenant pas comment j’ai pu échapper à l’œil perçant des Canaques.

La nuit se passe en alertes continuelles, mais non en paniques : les soldats rient comme de vrais Gaulois ; leurs sentinelles se jettent des plaisanteries grasses. Quant au