Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

passagers du Var se sont quittés sur le sol calédonien en s’écriant : « Au plaisir de ne jamais se revoir ! »

Faut-il mentionner encore madame G***, épouse laide mais infidèle d’un patron coiffeur, courant la prétentaine en compagnie de sa fille et d’un chérubin du rasoir, qui la planta là à Nouméa pour entrer dignement dans l’administration ? madame Gerf***, jeune et avenante blanchisseuse brestoise, qui, tout en devisant d’amour avec un beau caporal d’armes, s’en allait rejoindre son mari, ouvrier de l’État, à Taïti ? La pauvrette ! quelle ne fut pas sa souleur en trouvant à Nouméa une lettre l’informant que son conjoint, insoucieux des nœuds sacrés du mariage, venait de repartir pour l’Europe, histoire de fausser réception à sa légitime ! Et mademoiselle Marie Robert, jeune fille sans orthographe mais dont les beaux yeux captivèrent quelques années plus tard, le grand chef arabe Mokrani !

Mais il serait impardonnable de passer sous silence la mère La Fouine, ou plutôt la famille La Fouine, car ils étaient trois : la mère, la fille et le fils.

Tous trois horribles, repoussants de saleté et idiots par dessus le marché, devaient leur surnom à l’aspect caractéristique et animal de leur visage : front fuyant, nez allongé et crochu, petits yeux scrutateurs et pétillants d’une malice bête. Ils s’étaient embarqués sans autre bagage qu’un vase nocturne tenu à la main et renfermant, garde-manger d’un nouveau genre, les provisions de… bouche de la famille. L’homme qu’ils allaient rejoindre, était forçat de droit commun, quelque part à l’île Nou ou à Bourail. « Ah ! déclarait avec son intonation inimitable la mère La Fouine aux autres femmes de la batterie, vous faites six mille lieues pour aller