Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/255

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À ce moment, je fréquentais un cercle littéraire, La Butte, se réunissant à Montmartre, dans l’atelier d’un peintre, ancien communard qui a mis depuis des flots d’eau dans son vin. Le président de ce cénacle, président cordial et sans morgue, était Paul Alexis, le Trublot du Cri du Peuple. Là, je connus un certain nombre de jeunes, enthousiastes comme on l’est à vingt ans, et la plupart n’atteignaient pas cet âge.

Jacques Prolo, qui a toutes les qualités, sauf celles de l’exactitude dans ses rendez-vous ; Schiroky, que j’avais converti au socialisme révolutionnaire et qui me devança dans la voie anarchiste ; Gérondal, déserteur belge élégant et martial, — qu’est-il devenu ? — fondèrent avec moi le groupe cosmopolite.

Ignorants encore ou insoucieux des rivalités marxistes et bakouninistes, nous ne visions rien moins, ô présomption de la jeunesse ! qu’à reconstituer l’Internationale et pour ne pas tomber, dès le début, sous le coup des lois répressives, nous avions adopté l’adjectif « cosmopolite » pensant naïvement que cette couverture nous faciliterait la tâche.

Sept années se sont écoulées et, si je souris parfois de notre candide enthousiasme, je ne m’en moque pas : on ne peut vaincre qu’en croyant soi-même au triomphe.

Ce fut en mai 1886, à la commémoration de la Semaine Sanglante, que notre groupe se trouva constitué. Nous allions, restant d’idolâtrie, porter une couronne sur la tombe de Flourens. Pour notre début, Prolo eut les honneurs du martyr : il avait, en franchissant l’entrée du Père-Lachaise, déplié une étoffe rouge pouvant à la