Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/256

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rigueur, passer pour un drapeau ; il fut arrêté et gardé au poste pendant une heure.

Après un si beau commencement, nous ne pouvions nous arrêter en route : la Révolution Cosmopolite fut fondée et le passage des Rondonneaux acquit des droits à l’immortalité.

J’habitais alors un vaste et assez beau logement dans le susdit passage, long et étroit boyau s’étendant entre la place des Pyrénées et le mur nord-est du Père-Lachaise. La maison, beaucoup plus élevée que ses voisines, pouvait admirablement servir d’observatoire ; de mes pénates transformés en corps-de-garde démagogique, nous étions prêts, au premier appel du clairon révolutionnaire, à bondir sur la mairie du vingtième, ou, enjambant le cimetière et descendant la rue de la Roquette, à nous précipiter sur celle du onzième.

Car notre nombre s’était accru. Certes, la rédaction autoritaire du Cri du Peuple, qui nous avait considérés comme des recrues faciles, se montrait un peu dépitée en nous voyant voler de nos propres ailes ; mais, à défaut des chefs solennels, des militants modestes et dévoués nous apportaient leur concours.

Ne voulant pas prendre parti dans les mortelles disputes des possibilistes, marxistes, blanquistes et anarchistes, dont nous n’avions pas encore sondé à fond les divergences théoriques, nous nous étions déclarés indépendants. Et, candides comme des Hurons, nous faisions chaleureusement appel à l’union des diverses fractions socialistes, cherchant de bonne foi à faire fusionner le feu et l’eau, la dictature du quatrième État et l’autonomie individuelle. Ô rêve ! Les anarchistes et quelques indépendants seuls nous vinrent.