Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux pas de la station de Baker-street (rue Boulanger, quelle coïncidence !) que le rédacteur en chef de l’Intransigeant a jeté son dévolu : demeure très confortable certes, mais ornée avec plus de goût artistique que de luxe. Des tableaux de maîtres italiens, flamands et même anglais, car il en est d’aussi remarquables que peu connus, un groupe de Clodion, un bronze de Dalou, représentant le pamphlétaire au retour de son précédent exil, ornent la salle à manger du rez-de-chaussée et les deux étages. Les fenêtres plongent sur le lac de Regent’s Park où glissent les canots, conduits par de jeunes misses, et sur les taillis qu’animent les jeux de babies.

Que de visiteurs se sont présentés dans cette maison ! Visiteurs de toutes sortes : amis sincères, vieux compagnons de lutte, admirateurs, enthousiastes, vulgaires courtisans, pique-assiettes et politiciens affairistes quémandant la charité de quelques billets de mille avec une petite campagne électorale. Et, parmi tous, Louise Michel, qui s’est instituée, à elle seule, comité de secours ambulant pour les malheureux quelle que soit leur étiquette sociale.

Les anarchistes, car on ne peut donner ce nom aux transfuges, étaient, pendant le boulangisme, demeurés aussi éloignés de celui-ci que du gouvernement. Passionnément internationalistes, nous sentions bien que l’avènement du parti révisionniste signifiait la guerre à brève échéance. Impuissant à donner satisfaction à la fois aux républicains avancés et aux réactionnaires, au grand et au petit commerce, aux patrons et aux ouvriers, talonné, en outre, par Déroulède, le général Boulanger une fois au pouvoir devait fatalement cher-