Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/295

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empêche pas de s’adresser à lui toutes les fois qu’il y a un acte sérieux de propagande ou de solidarité à accomplir. Certes, il n’y a pas d’hommes indispensables, mais il y en a d’utiles, et l’on peut dire que si Kropotkine est un cerveau, Malatesta est un bras.

Non qu’il dédaigne le raisonnement : je l’ai vu — et entendu aussi ! — aux prises avec Lucien Weil, le plus effroyable forgeur de syllogismes. Qui l’a emporté ? je ne saurais le dire ; au bout de cinq minutes, mes tempes éclataient, mon cerveau martyrisé ne percevait plus que des notes éclatantes ripostant à ses susurrements rapides. Comment ne m’a-t-on pas transporté à Bedlam ?

Je ne résiste pas à l’envie de citer ici un apologue, digne de celui de Menenius Agrippa, que m’a narré Malatesta. Il est à l’adresse de ceux qui reprochent de descendre des sublimes intransigeances théoriques pour aborder l’action pratique.


Une commune de l’Italie avait un Conseil très avancé, à l’exception d’un individu regardé avec suspicion par ses collègues. Ce galeux proposa, un jour, d’adopter l’éclairage à l’huile, usité dans les autres parties de la péninsule. On en avait bien besoin car, en dépit des hautes vues du municipio, la ville était, chaque nuit, plongée dans les plus profondes ténèbres.

En entendant la proposition faite, un conseiller se leva, pâle d’indignation :

— Quoi ! bégaya-t-il, est-ce la peine de tenir en main l’éblouissant flambeau du progrès pour qu’on ose nous proposer la fumeuse lumière à l’huile, nous ravalant ainsi au rang des municipalités les plus arriérées ? Ne savez-vous pas que ce mode d’éclairage ne convient déjà plus