Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/45

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lieues de ses pénates ! Il ne pouvait y avoir qu’un garde-chiourme pour trouver celle-là.

Cependant, l’apparition du Coëtlogon avait causé chez les déportés une grande rumeur, la même qui se renouvelait tous les trois ou quatre mois. De nouveaux compagnons de malheur allaient arriver, apportant avec eux des nouvelles de la vieille Europe. Depuis César, les Gaulois sont restés un peuple de curieux, avides d’informations et, faute de mieux, on ne se montrait pas trop difficile, à l’île des Pins, en fait d’actualité. Les moindres faits et gestes des prétendants monarchiques et des marabouts républicains, transmis de bouche en bouche et défigurés par l’ignorance ou la naïveté, par le besoin de croire quelque chose, atteignaient des proportions stupéfiantes. Les condamnés de l’île des Pins, très braves gens, étaient cependant, en général, d’une culture intellectuelle inférieure à ceux de la presqu’île Ducos. Ces derniers comprenaient des membres de la Commune et du Comité central, des officiers d’état-major, de gros bonnets, enfin, bourgeois tout au moins d’éducation. À l’île des Pins, l’élément prolétarien dominait, non sans mélange car on y compta : un docte processeur, Charmat, un sculpteur de premier ordre, Capellaro, et quelques journalistes Bouis, Cos et Léonce Rousset. Ce dernier mérite une notice spéciale : nous reparlerons de lui plus loin.

En débouchant à Uro, sur le territoire de la première commune nous trouvâmes un groupe de déportés qui, n’ayant pas le droit de dépasser cette limite, étaient rassemblés là pour nous accueillir. La plupart attendaient un fils, une femme : « Auguste ! » crie une voix émue. — « Me voilà ! » Et un grand jeune homme embrasse