Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/54

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de culte, ce qui peut surprendre, il était dévoré d’un appétit énorme : un jour, en prison, il avait parié avec son geôlier de manger tout un gigot de mouton et gagné le pari. Les gigots de mouton, à force de s’accumuler, avaient fini par lui donner un embonpoint inquiétant ; du reste, figure souriante et belle, que ne déparait pas une balafre, reçue dans un combat. Rencontre bizarre, Aziz et celui qui lui avait administré ce coup de sabre se retrouvèrent un jour, à Nouméa, et tombèrent… dans les bras l’un de l’autre. Cet ancien adversaire, devenu ami, était un ex-maréchal des logis de cavalerie lequel, couché en joue avec un pistolet qui rata, avait jugé indispensable de mettre le tireur, Aziz, hors d’état de récidiver. Tous deux, par la suite, finirent tragiquement : le Français, après diverses aventures comme prospecteur[1] et colon, mourut de faim ; l’Arabe, réussit à s’évader, revint en son pays en un moment de troubles, et, luttant naturellement contre les roumis, tomba dans une embuscade où il périt.

Un autre, Ahmed, beau comme un prince des Mille et une nuits, s’éteignit d’une maladie de langueur, regrettant, comme tous les autres, son pays et sa famille, mais résigné aux volontés d’Allah.

Et Nanouch, un brave fanatique, qui expliquait ainsi ses antipathies pour un coreligionnaire déporté : « Lui kabyle Alger, moi kabyle Constantine ». Conclusion : il faut s’exterminer ! En voilà un qui ne transigeait pas avec les prescriptions du Coran ! Constamment, nous ayant accordé sa sympathie, il s’invitait à déjeuner chez nous, et, à la tête d’une bande d’affamés, envahissait

  1. Nom donné à ceux qui vont à la découverte des mines.